Utilisation de l'EMDR pour traiter les problèmes de rupture de la relation entre partenaires intimes

Utilisation de l’EMDR pour traiter les problèmes de rupture de la relation entre partenaires intimes

Mis à jour le 4 avril 2023

Utilisation de l’EMDR pour traiter les problèmes de rupture de la relation entre partenaires intimes, un article de Rodríguez-Garay, A., & Mosquera, D., publié dans Frontiers in Psychology

Article publié en anglais – accès libre en ligne

Résumé

La procédure d’aide à la rupture (BUAP) est une proposition d’intervention EMDR conçue pour répondre aux difficultés que rencontrent certains patients lorsqu’ils tentent de surmonter une rupture complexe.

La procédure vise à cibler non seulement les conséquences de la rupture, mais aussi les difficultés qui peuvent être présentes dans le démarrage d’une nouvelle relation. C’est souvent le cas lorsqu’il existe des conséquences non résolues de la rupture précédente ou des expériences négatives précoces non traitées.

En structurant le traitement en trois étapes séquentielles (décrites dans cet article) et en incluant des interventions et des adaptations au protocole EMDR standard, nous visons à faciliter l’approche thérapeutique du clinicien pour intervenir sur ce problème spécifique et maximiser le succès.

Introduction 

La rupture d’une relation avec un partenaire intime est l’un des événements les plus difficiles à gérer pour les individus. Selon une échelle mesurant les événements stressants vitaux (The Holmes-Rahe Stress Inventory ; Holmes et Rahe, 1967), le divorce et la séparation du mariage figurent parmi les trois principaux événements stressants de la vie d’un individu. Ce facteur de stress n’est suivi que par le décès du partenaire marié. Une rupture, en soi, est exigeante pour les individus, mais elle peut devenir de plus en plus compliquée si la fin de la relation est traumatisante ou si la personne a déjà vécu des expériences affectives négatives, surtout si elles ont eu lieu au début de sa vie.

Dans les deux cas, le système de traitement de l’information qui nous permet d’atteindre des « solutions adaptatives » lorsque nous subissons des expériences difficiles pourrait se bloquer et affecter le processus naturel de deuil (Shapiro et Forrest, 2009). Cela pourrait justifier une intervention psychologique utilisant la désensibilisation et le retraitement par mouvements oculaires (EMDR ; Shapiro, 1995).

L’intervention présentée dans cet article, appelée Procédure d’aide à la rupture (BUAP), adapte le protocole EMDR standard au traitement des personnes qui vivent un processus de rupture relationnelle complexe. Plus précisément, elle est conçue pour traiter les difficultés rencontrées pendant le processus de deuil ou les émotions qui sont activées après la fin de la relation intime. Avec cette procédure, nous espérons répondre à un double objectif : premièrement, aider les patients à s’engager dans leur processus de deuil de manière adaptative ; et deuxièmement, permettre à la crise elle-même de servir de point de départ pour améliorer la capacité du patient à établir et maintenir des relations positives et fonctionnelles à l’avenir. En outre, dans cet article, des interventions supplémentaires sont décrites pour soutenir les individus qui auront du mal à se détacher d’une relation néfaste ou d’une relation qu’ils ne souhaitent plus entretenir.

Les étapes de l’intervention BUAP

La rupture d’une relation avec un partenaire intime tend à générer, entre autres, la perte de la base sécure d’une personne, une anxiété subséquente à la séparation et une activation émotionnelle et physiologique élevée qui peut, au départ, être très difficile à gérer. Dans le but de se concentrer sur les principaux besoins du patient à chaque étape du rétablissement après la rupture, et de structurer l’intervention psychologique, nous proposons une approche en trois étapes.

L’intervention proposée modifie l’ordre dans lequel le protocole EMDR standard en trois temps (Shapiro, 1995, 2001) est délivré. Nous commençons à travailler sur le présent et le passé le plus récent, au lieu du passé comme nous le ferions traditionnellement dans le protocole standard. Nous proposons donc aux thérapeutes d’adopter l’approche suivante (tableau 1).

BUAP étape 1 : Travailler avec la situation actuelle et le passé récent 

Au cours des premières séances, évaluez quelles interventions parmi les suivantes peuvent être nécessaires :

Tout en recueillant les antécédents du patient, se concentrer sur les problèmes qui ont conduit à la rupture et les conséquences qu’ils ont eu et/ou ont sur le fonctionnement actuel de l’individu.

Si le thérapeute détermine que l’individu ne dispose pas des ressources nécessaires pour faire face à la situation, il procédera à l’installation des ressources et fournira une psychoéducation adéquate.

Si nécessaire, le thérapeute utilise le protocole d’épisode traumatique récent de l’EMDR (R-TEP ; Shapiro et Laub, 2008) pour réduire l’activation émotionnelle et physiologique du patient.

D’autres procédures EMDR peuvent être utilisées pour traiter les aspects concrets de la rupture amoureuse, ou le besoin de rester éloigné d’un ex-partenaire. Il peut s’agir de travailler sur une image idéalisée (Mosquera et Knipe, 2016, 2017), ou sur la sensation subjective de dépendance à l’ex-partenaire, qui peut être traitée à l’aide du protocole Craving Extinguished pour le souvenir de dépendance (Hase, 2010).

Lorsque le processus de deuil devient complexe, le thérapeute identifie ce qui empêche le deuil de suivre son cours naturel afin de déterminer comment intervenir.

Nous suggérons que pour les patients où l’abus était présent dans la relation, le thérapeute mène également les interventions suivantes :

Donner la priorité à la sécurité du patient en procédant à une évaluation approfondie des risques. Informer le patient des ressources qui existent dans sa communauté locale et dont il pourrait bénéficier. Cela permettra de mettre en place les différentes mesures psychosociales, juridiques et de protection. Faites cela indépendamment de la poursuite ou non de la thérapie par le patient. En outre, évaluez si le patient met en place des mesures d’autoprotection adéquates. Il est particulièrement important que la consultation thérapeutique soit perçue comme un lieu sûr.

Cherchez à savoir si le patient a du mal à mettre fin à la relation. L’objectif principal serait d’identifier les facteurs (par exemple, la peur, l’ambivalence, la dépendance financière ou psychologique, la sensation subjective de dépendance au partenaire ou à une autre composante de la relation, etc.) qui bloquent la capacité du patient à prendre des décisions adaptatives pour lui-même, afin que nous puissions décider comment intervenir.

Déterminer si le patient attribue la culpabilité de manière appropriée. Pour mener à bien cette intervention, il faut s’assurer que la victime peut être libérée de la culpabilité et que la responsabilité peut être attribuée de manière adéquate à la personne qui commet l’abus et/ou la violence.

Accompagner la victime dans le processus douloureux et complexe de prise de conscience des aspects dommageables de sa relation et des aspects négatifs de son partenaire ou ex-partenaire. Il est important que la victime comprenne que son mal-être actuel est principalement dû au lien traumatique qu’elle entretient, ou a entretenu, avec son agresseur.

Soutenir les victimes en leur faisant découvrir qu’elles ont d’autres options et qu’il est possible de surmonter les expériences traumatisantes qu’elles ont vécues. Cela se fait en développant de nouvelles attentes pour l’avenir qui ne sont pas conditionnées par leur passé.

BUAP étape 2 : Traitement des expériences passées spécifiques

Dans cette deuxième étape de nos interventions, les thérapeutes traitent les souvenirs qui sont à l’origine de la symptomatologie et ceux qui sont liés aux difficultés à surmonter la rupture et/ou à établir des relations saines et fonctionnelles. Pour ce faire, nous proposons les interventions suivantes :

Capturer les souvenirs relationnels qui ont été stockés de manière dysfonctionnelle ; y compris ceux de l’enfance ainsi que ceux des relations avec les partenaires intimes précédents.

Déterminer les capacités que le patient doit développer et les besoins spécifiques qu’il a en matière de psychoéducation.

Traiter les cibles identifiées ainsi que leurs déclencheurs actuels.

Dans les cas où il y a eu des abus, le thérapeute doit aborder les aspects qui augmentent la vulnérabilité du patient à une nouvelle victimisation (par exemple, des expériences antérieures de victimisation qui n’ont pas été traitées, des difficultés à maintenir des limites personnelles, un excès de naïveté dans les relations, etc.)

BUAP étape 3 : Identifier les difficultés à commencer ou à maintenir une future relation avec un partenaire intime

Les interventions au cours de cette étape de la procédure suggérée sont conçues pour traiter les difficultés qui apparaîtront lorsque le patient commencera à apporter de réels changements dans ses relations interpersonnelles et envisagera le début d’une nouvelle relation avec un partenaire intime.

Pour chaque difficulté constatée, suivez le protocole standard à trois volets. Commencez par les déclencheurs actuels, puis travaillez sur les souvenirs du passé qui continuent à activer les symptômes. Vous devrez peut-être aussi travailler sur d’autres souvenirs pertinents qui n’ont pas été identifiés précédemment. Terminez le travail avec les modèles futurs, ce qui vous aidera à découvrir les aspects qui n’ont pas été résolus afin de les traiter.

Aidez le patient à développer les capacités nécessaires pour entretenir des relations avec un partenaire intime qui soient saines, satisfaisantes et équilibrées. Cet aspect est particulièrement important pour les personnes qui n’ont pas été en mesure d’établir de bonnes relations tout au long de leur vie.

Bien que cette structure de travail ait été décrite comme si le processus thérapeutique était linéaire, dans la pratique, il ne se déroule pas nécessairement de cette façon. Il peut arriver que le patient ne puisse pas ou ne veuille pas passer par toutes les étapes. Pour d’autres, il peut être inutile de passer par l’une ou l’autre de ces étapes. Pour d’autres encore, les étapes peuvent se chevaucher (par exemple, lorsque la personne entame une relation avec un partenaire intime avant de faire son deuil ou de travailler sur les difficultés qui sous-tendent la raison pour laquelle ses relations sont souvent affectées).

Les phases d’intervention de l’EMDR

Lorsqu’un patient consulte pour des difficultés qu’il rencontre lorsqu’il est confronté à la rupture d’une relation avec un partenaire intime, le thérapeute le guidera à travers la structure de traitement des huit phases de l’EMDR (Shapiro, 2001). Cependant, certaines adaptations sont fortement suggérées lorsqu’il s’agit de travailler sur ce problème spécifique (Tableau 2).

Disposer d’une structure d’intervention est utile non seulement pour explorer et comprendre le problème présenté par le patient, mais aussi pour planifier et appliquer le traitement. Malgré cela, nous devons maintenir un cadre suffisamment souple pour ne pas perdre de vue l’individu, ses expériences, ses doutes, ses besoins, ses peurs, ses forces et ses vulnérabilités. Cette flexibilité permettra le développement du processus thérapeutique d’une manière qui supporte les interférences ou les difficultés qui peuvent apparaître en cours de route. L’un des objectifs qui guidera les interventions sera notre capacité à comprendre les difficultés et les limites concrètes du patient, ce qui l’a empêché de surmonter ces problèmes et comment ceux-ci sont liés à son histoire de vie.

En savoir plus 

Références de l’article Utilisation de l’EMDR pour traiter les problèmes de rupture de la relation entre partenaires intimes :

  • auteurs : Rodríguez-Garay, A., & Mosquera, D.,
  • titre en anglais : Using EMDR to treat intimate partner relationship break-up issues
  • publié dans : Frontiers in Psychology, 13.
  • doi :https://doi.org/10.3389/fpsyg.2022.971856

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