Portrait de chercheur – Marie-Jo Brennstuhl
Mis à jour le 10 octobre 2022
L’Institut Français d’EMDR soutien chaque année de jeunes chercheurs français et étrangers travaillant dans le champs de la thérapie EMDR.
Interview de Maire-Jo Brennstuhl, psychologue, qui a effectué une thèse sur l’utilisation de la thérapie EMDR dans le cadre de la douleur chronique : efficience et perspectives cliniques
Comment en êtes vous venu à concentrer votre recherche sur le thème de l’utilisation de la thérapie EMDR dans le cadre de la douleur chronique ?
Après voir exercé comme psychologue dans un service hospitalier de douleur chronique, j’ai dû faire face aux nombreuses difficultés qui subsistent quant au traitement de cette problématique particulière. En effet, la douleur chronique représente un problème de santé majeur, malgré les différents plans gouvernementaux mis en place entre 1998 et 2010. Chaque année en France, plus d’un milliard d’euros est attribué au surcoût lié à la prise en charge de la douleur.
Multifactorielle, la douleur chronique intègre quatre composantes fondamentales : sensorielle, cognitive, comportementale et émotionnelle. Si les médicaments antalgiques ont une action avérée dans le cadre de la douleur aigüe, leur utilisation sur le long terme provoque des effets secondaires néfastes, limitant leur efficacité évaluée comme modérée chez plus de cinquante pour cent de ces patients.
Les prises en charge psychothérapeutiques comme l’hypnose et les psychothérapies cognitivo-comportementales (TCC) semblent elles aussi montrer une efficacité mitigée. J’ai alors voulu me tourner vers l’utilisation de l’EMDR dont les avancées en différents domaines sont prometteuses.
Il s’avère que dans la littérature des travaux permettent d’envisager la question du lien entre Etat de Stress Post Traumatique (ESPT) et douleur chronique. Une comorbidité important existe entre ces deux pathologies, nous retrouvons entre 20 à 80% de douleur dans les cas d’ESPT et de 10 à 50% d’ESPT dans les cas de douleur. Traiter la douleur chronique sans s’aguerrir du lien existant avec l’ESPT semble être un manque à gagner dans la prise en charge de cette pathologie.
La recherche principale de ce travail de thèse s’est alors attachée à comparer l’utilisation de deux protocoles EMDR vs. une prise en charge classique, dans une Unité hospitalière de prise en charge de la douleur chronique.
Quelle a été votre hypothèse de travail ?
Les participants ont bénéficié d’une prise en charge avec la thérapie EMDR (utilisation du protocole standard ciblé sur le traumatisme ; Shapiro, 2001), avec la thérapie EMDR (utilisation du protocole douleur ciblé sur la sensation douloureuse ; Grant, 2009), ainsi qu’en thérapie éclectique (entretiens cliniques type thérapie de soutien).
Lors des phases de pré-test (entrée en hospitalisation), post-test (sortie d’hospitalisation) et lors de la consultation post-hospitalisation à un mois, nous leur proposions de répondre à plusieurs échelles : l’échelle PCL-S (Post-Traumatic CheckList Scale) permet d’évaluer la sévérité des symptômes ESPT ; l’’échelle PBPI (Pain Beliefs and Perceptions Inventory) permet d’évaluer les croyances et les perceptions liées à la douleur ; l’échelle QCD (Questionnaire Concis sur les Douleurs) permet d’évaluer le retentissement de la douleur sur le comportement quotidien ; et l’échelle EVA (Echelle visuelle analogique), mesurant la douleur ressentie par le patient sur une échelle de 0 à 10.
Quels résultats peut-on mentionner ?
Globalement il apparaît que la prise en charge avec la psychothérapie EMDR s’avère significativement plus probante qu’une prise en charge éclectique. Le protocole EMDR standard, agissant sur les évènements de vie, traiterait les causes probables de la douleur, alors que le protocole EMDR douleur, plus axé sur le symptômes douloureux ne permettrait pas la même qualité de prise en charge.
La douleur semble alors se présenter comme un élément réactionnel faisant suite à un évènement traumatique. Les symptômes de l’ESPT sont alors relégués au second plan, tandis que la plainte et la demande du patient se situent au niveau du ressenti douloureux.
L’intérêt clinique de l’usage de la thérapie EMDR avec les patients douloureux chroniques est de proposer une alternative efficiente aux prises en charge psychologiques classiques.
Cette thèse de doctorat en psychologie, réalisée sous la direction de Cyril Tarquinio, a été soutenue le 06 novembre 2013, à l’Université de Lorraine , dans le cadre de Ecole doctorale Fernand Braudel (Nancy-Metz) , en partenariat avec APEMAC – Approches psychologiques et épidémiologiques des maladies chroniques – EA 4360 (laboratoire) .
Références bibliographiques
Beck, J.G., & Clapp, J. (2011). A different kind of comorbidity : Understanding Posttraumatic stress disorder and chronic pain. Psychological Trauma : Theory, Research, Practice and Policy, 3(2), 101-108.
Brennstuhl, M.J., Tarquinio, C. & Bassan, F. (in press). Use of an EMDR therapy in chronic pain management : a pilot study. Revue Européenne de Psychologie Appliquée.
Brennstuhl, M.J., Tarquinio, C. & Montel, S. (2014). Chronic pain and PTSD : evolving views on their comorbidity. Perspectives in Psychiatric Care, DOI : 10.111/ppc.12093
Grant, M. (2009). Change your brain, change your pain, based on EMDR. Sydney, Australia.
Résumé de la thèse
L’utilisation de la thérapie EMDR – Eye Movement Desensitization and Reprocessing – est novatrice dans le domaine de la douleur chronique, trois étapes ont alors composées ce travail de thèse.La première porte sur l’étude de l’apparition d’une nouvelle composante de la douleur chronique : la composante traumatique. Multifactorielle, la douleur chronique intègre quatre composantes fondamentales : sensorielle, cognitive, comportementale et émotionnelle. Une revue de la littérature sur la comorbidité entre douleur chronique et ESPT a alors été réalisée.La seconde étape constitue une recherche préliminaire qui porte sur l’utilisation de la thérapie EMDR, et d’un protocole EMDR spécifique à la douleur, qui a été testé sur trois patients en pré-test. La thérapie EMDR donne des résultats encourageants. La recherche principale de ce travail de thèse s’est enfin attachée à comparer l’utilisation de la thérapie EMDR vs. une prise en charge éclectique, dans une Unité de prise en charge de la douleur chronique, à l’hôpital. Quarante-cinq patients, répartis en trois groupes, ont alors bénéficié d’une prise en charge avec la thérapie EMDR (protocole standard), avec la thérapie EMDR (protocole douleur), ainsi qu’en thérapie éclectique. Les résultats mettent en évidence l’efficacité de la thérapie EMDR sur les composantes sensitives, cognitives, comportementales, émotionnelles mais aussi traumatiques de la douleur, avec une plus grande efficacité du protocole standard EMDR après 5 séances, et une diminution de la douleur qui se prolonge un mois après la fin du traitement.
Marie-Jo Brennstuhl est Docteur en Psychologie, Psychologue clinicienne de la santé et Thérapeute EMDR accréditée Europe. Elle a été diplômée au sein de l’Université de Lorraine, où elle a effectuée sa thèse sur l’utilisation de la thérapie EMDR auprès des patients douloureux chronique, sous la supervision du Professeur Cyril Tarquinio. Cette recherche de thèse a été récompensée par le Prix de Thèse de l’Université de Lorraine, ainsi que par le Prix de Thèse de la Région Lorraine.
Marie-Jo Brennstuhl continue aujourd’hui son activité de psychologue – psychothérapeute au sein de son cabinet de Metz, ainsi que ses recherches sur l’étude des psychothérapies. Elle enseigne également la psychologie à l’Université, ainsi qu’aux futurs travailleurs sociaux et intervient dans le cadre de Diplômes Universitaires en Sexologie et formation en EMDR.
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