l’intérêt, l’efficacité et l’efficience de la psychothérapie EMDR dans le domaine de la santé et de la maladie
Mis à jour le 5 juillet 2017
Interview de Cyril Tarquinio, professeur en psychologie, qui effectue une recherche sur l’intérêt, l’efficacité et l’efficience de la psychothérapie EMDR dans le domaine de la santé et de la maladie.
Cyril Tarquinio interviendra sur le thème Prise en charge EMDR : une réponse pour la prise en charge des malades du cancer, le 8 septembre 2017, à Metz, dans le cadre du MAM, Seminaire de recherche en EMDR MAM 7 – Eye movement doctoral research
Sur quoi portent vos travaux ?
Il s’agit de mettre en évidence l’intérêt, l’efficacité et l’efficience de la psychothérapie EMDR dans le domaine de la santé et de la maladie.
On connait bien les effets de l’EMDR sur la prise en charge de l’ESPT. Il convient aujourd’hui d’aller plus loin. Inutile de répéter des recherches dont les travaux n’ont plus rien d’original. En revanche, positionner l’EMDR dans le domaine de la maladie chronique est une autre histoire car le contexte est bien différent.
Prenez la problématique du cancer par exemple, sur laquelle le laboratoire ESPAM/APEMAC EA 4360 et le Centre Pierre Janet sont particulièrement positionnés. Un patient confronté à un événement traumatique unique va provoquer des troubles. Il peut s’agir de troubles anxio-dépressif et/ou d’ESPT. Même si dans la tête des victimes l’événement est toujours présent et fait intrusion, l’événement est néanmoins objectivement terminé. L’agression, le viol ou l’accident ont eu un début et une fin objective. Subjectivement nous sommes d’accord que c’est une autre histoire. À l’inverse quand le cancer survient, on peut situer le début de l’événement assez précisément. Pourtant même après l’intervention chirurgicale, la chimiothérapie, l’éventuelle rechute et la phase de rémission. Objectivement la maladie est potentiellement là. Ce n’est pas une vue de l’esprit mais une réalité qui peut à tout moment lors d’un examen de routine venir balayer le malade à l’occasion d’une récidive. Entre l’annonce et l’éventuelle rémission, l’épisode maladie est composé d’une succession de moment à forte charge traumatique. La chimio, la radiothérapie, les examens, la modifications du corps, etc. Le contexte d’une maladie comme le cancer impose donc une réalité bien différente de celle liée à un évènement unique. Ce n’est pas plus ou moins grave, c’est juste fondamentalement différent.
Mais si l’on s’intéresse maintenant aux pathologies cardio-vasculaires, la problématique serait encore différente. Donc le champ des maladies chronique nous oblige à penser en des termes plus complexes la question de la prise en charge psycho-thérapeutique en général et de l’EMDR en particulier.
Quel est l’enjeu de vos recherches ?
Il s’agit d’apporter des éléments de réponses concrets non seulement aux malades qui souffrent psychiquement de la survenue et de la présence de ces maladies chroniques, mais aussi à nos collègues psychologues et psychiatres qui sont à la recherche de solutions efficaces pour accompagner les malades et leur proches.
On sait que la souffrance psychique de ces malades a des effets sur leur système immunitaire, ce qui n’a pas pour effet d’améliorer leur état de santé, bien au contraire. Ainsi, apporter une réponse clinique dans ce domaine, c’est apporter non seulement une réponse en termes de bien être et de qualité de vie, mais aussi en termes de santé physique. En outre, on sait aussi qu’une mauvaise santé psychique (dépression, anxiété ESPT) a pour effet de faire diminuer le niveau d’observance thérapeutique. Les patients sont moins enclins à suivre leur traitement, plus motiver à s’en sortir. L’enjeu est donc en termes de santé publique.
Nous avons d’ailleurs publié il y a peu un ouvrage consacré à l’EMDR et aux maladies chroniques (Tarquinio C. & Tarquinio P., 2015).
Nous travaillons toujours en deux temps
- des études de cas cliniques auprès desquelles nous testons les protocoles EMDR. Nous tentons de comprendre comment il convient de saisir la problématique de la maladie. Nous publions souvent ces études de cas.
- nous mettons ensuite sur pied de grosses et couteuses études contrôlées randomisées (ECR) pour mettre en évidence l’efficacité de l’EMDR. C’est long et coûteux. L’étude en cours « PSYCANCER » coute par exemple 350 000 euros, financée par la Ligue contre le cancer
- nous mettons en place des évaluations en situation réelle afin de travailler sur l’efficience de l’approche. Une ECR a toujours quelque chose d’artificiel. Il faut donc travailler sur les soins courants afin d’en analyser les résultats.
A quel stade est la recherche ?
Dans le domaine du cancer, des accouchements et de la douleur chronique, nous sommes dans la deuxième phase de travaux. Des travaux vont aussi démarrer dans les pathologies cardio-vasculaires et les troubles de la sexualité. Les MICI et les conséquences de la maladie de LYME sont également en projet.
Qu’est ce qui vous a amené à vous intéresser à ce le thème de recherche ?
Mon équipe est, avec l’équipe de nos amis de l’Université de Bordeaux, l’une des plus spécialisées dans le domaine de la psychologie de la santé. Cela fait 20 que nous travaillons dans ce domaine et l’EMDR est un axe officiel et affiché de notre laboratoire auprès du Ministère de la Recherche. Nous avons travaillé avec les thérapies de la pleine conscience, les TCC et la sophrologie. L’EMDR c’est autre chose, c’est certain. Nous avons été la première université en France à développer l’EMDR. Les premières thèses de doctorat en psychologie sur l’EMDR ont été menées au sein de notre laboratoire. Nous avons encore du travail car la lutte est féroce et les universitaires français sont plus que rétifs à l’idée de travailler sur cette approche.
En parallèle, une question de fond m’anime. Que se passe-t-il au cours de cette fichue thérapie ? La question du lien thérapeutique et des fameux facteurs communs vole en éclats avec l’EMDR. C’est alors toutes les psychothérapies qui se trouvent questionnées. Donc travailler sur la psychothérapie EMDR a un double intérêt clinique et pratique d’une part par ses bienfaits auprès des malades. Épistémologique et théorique par les questions fondamentales que pose cette approche. De quoi m’occuper encore 20 ans… Cela tombe bien, c’est le temps qu’il me reste à faire à l’université.