Les empreintes des traumatismes précoces à travers les thérapies EMDR et Sensorimotrice
Mis à jour le 21 décembre 2016
Marie-France Gizard a effectué une intervention sur le thème de : Les empreintes des traumatismes précoces à travers les thérapies EMDR et Sensorimotrice, lors du colloque Trauma et sens organisé par la FF2P
Résumé : Depuis deux décennies de nombreux travaux ont été fait au sujet des empreintes précoces chez l’enfant de zéro à trois ans. Ces traces mnésiques constitueraient en effet les marqueurs des traumatismes multiples chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Ces empreintes sont fortement corrélées à des pathologies variées. Le spectre peut aller des troubles du développement, des pathologies psychiatriques ( troubles borderline …) aux troubles psychosomatiques. De plus la présence de ces empreintes augmente chez les sujets atteints un accroissement de la gravité de tous ses symptômes qui sont diagnostiqués à l’adolescence ou à l’âge adulte. Cela deviendra un traumatisme complexe. Ces empreintes représentent un haut facteur de risque dans l’aggravation des traumatismes et de leurs conséquences. Le concept d’empreintes précoces reposerait, selon divers travaux ( Porgès, Lanius, Allan Shore) sur des distorsions dans l’oraganisation des réseaux neuroniques pré corticaux. Deux approches thérapeutiques émergentes l’EMDR et Sensorimotrice pourraient avoir accès à ces empreintes précoces. Avec l’espoir de pouvoir retraiter ces expériences traumatiques précoces encodées dans le cerveau. Une présentation simple de ces deux approches nous permettra de mieux comprendre l’efficacité d’un tel traitement. Des cas cliniques viendront illustrer l’application de l’EMDR et de la thérapie sensorimotrice.
Qu’appelle-t-on les empreintes précoces d’origine traumatique ?
- Stade préverbal tranche d’âge de zéro à trois ans. Les enfants encodent leurs expériences sous un mode sensoriel et émotionnel.
- Le cerveau subit des remaniements malgré l’intense prolifération neuronale à cet âge précoce, associée à un processus de destruction de circuits neuroniques.
- Les circuits neuroniques non utilisés disparaissent tandis que ceux qui sont stimulés deviennent des clés dans les processus opératoires et cognitifs (intelligence, mémorisa:on, motricité, apprentissage).
- Des réseaux privilégiés vont s’organiser dans les zones stimulées par un assez bon accordage. Cela constitue les « autoroutes» du cerveau.
- La mentalisation (processus de réflexion, d’analyse simple, de reconnaissance) commence avec le début du langage.
- Il faut un certain niveau du développement du langage pour que le cerveau de l’enfant puisse se connecter à des représentations symboliques.
- Des traces mnésiques pré existent avant le langage. On peut y avoir accès, retraiter et changer le développement de l’enfant blessé.
- Conséquences des manquements, de la maltraitance…
- -‐ Troubles développementaux.
- -‐ Distorsion sur le plan anatomique et fonctionnel des organisateurs centraux (cognitif, sensoriel, mémoire procédurale émotionnelle).
- -‐ Le volume de l’hippocampe diminue.
Quel intérêt d’avoir accès à ces empreintes ?
Les empreintes précoces entravent le processus d’intégration. Cela va gêner la cicatrisation des processus traumatiques pour intégrer les blessures de la vie.
L’intégration pourrait se définir ainsi : c’est un processus de digestion et d’absorption de tous les processus traumatiques de toute nature.
Onno Van Der Hart dit que les enfants maltraités très tôt vont être beaucoup plus sensibles à travers les points de ruptures et à intégrer les processus.
D’après des études faites sur ESPT (Etat de Stress Post Trauma:que) complexe, plus la personne est jeune et a subi un impact traumatique plus elle a de risque de développer des troubles neuro-‐psychiatriques (borderline, TDI troubles dissociatif de l’identité …).
Définition de l’intégration proposée dans le SOI HANTE, 2010 : « L’intégration est un processus adaptatif impliquant des actions mentales permanentes, qui aident à la fois à différencier et à lier les expériences, au fil du temps, au sein d’une personnalité qui est simultanément flexible et stable ; elle favorise ainsi le meilleur fonctionnement possible dans le présent ».
Des individus traumatisés chroniquement dans l’enfance vont souffrir d’un échec d’intégration qui est la résultante d’un manque de moyens et de ressources dans le développement.
Ils n’ont donc pas pu se construire « un sentiment d’identité unifié et singulier » (Daniel Stern , 1985).
Grâce à l’approche de thérapies émergentes comme l’EMDR et la thérapie sensorimotrice… nous pourrions avoir accès à ces empreintes traumatiques précoces et les traiter chez l’enfant et chez l’adulte.
La thérapie EMDR (Désensibilisa:on et retraitement par des mouvements oculaires) fondée aux Etats-‐Unis par Dr Francine Shapiro en 1987, aujourd’hui pourrait s’appeler plus simplement « reprocessing thérapy» (thérapie du retraitement). L’EMDR repose sur le modèle TAI (traitement adaptatif de l’information) et comporte huit phases protocolaires.
La thérapie sensorimotrice a été développée aux Etats-Unis par Pat Ogden psychologue vers 1980. Alan Shore, Bessel van der Kolk, Daniel Siegel et Ellert Nijenhuis ont contribué par leurs travaux à enrichir cette approche. Le travail est centré sur le corps par des interventions orales du thérapeute dans un état de « pleine conscience » qui abordent le trauma et ses effets neurobiologiques. Cette approche met en action les cinq organisateurs centraux.
« Là où s’oriente l’attention, des neurones s’allument. Et là où des neurones s’allument, on peut établir de nouvelles connections ». Siegel, 2006
La « pleine conscience » est un état proche de la méditation qui permet de rester observateur de ce qui se passe dans son corps (sensations, émotions, pensées) tout en restant présent et ainsi éviter de sortir de sa « fenêtre de tolérance ».
Cela correspond à l’attention double et la co‐conscience dans les deux approches (EMDR et sensorimotrice).
Le concept de « fenêtre de tolérance », développé par Pat Odgen et Minton (2000, 2006) caractérise le travail fait avec les empreintes précoces traumatiques.
La thérapie sensorimotrice va chercher à élargir cette fenêtre de tolérance pour permettre d’augmenter la capacité intégrative.
Différences entre l’EMDR et la thérapie sensorimotrice dans l’approche du traumatisme complexe et des troubles développementaux à travers les différents organisateurs centraux
Les souvenirs restent essentiellement sensorimoteur sous forme d’empreintes traumatiques précoces. Il y a donc une remodulation et une reformatation à travers ces différents organisateurs centraux. Ainsi la personne peut retrouver un sens de Soi intégré, cohérent et unifié.
Si il y a un manque de soin, d’accordage et une pauvreté du langage pour nommer et ainsi contenir l’expérience vécue, l’enfant ne pourra pas de lui‐même accroitre sa fenêtre de tolérance. Il va se déréguler et il en gardera une trace mnésique précoce.
La phase 2 dite phase de stabilisation dans le protocole de la thérapie EMDR est une étape importante, elle vise à augmenter la capacité d’intégration. Celle-ci pourra être développée à travers une ré-expérimentation de l’expérience manquante précoce dans la relation d’attachement. Grâce à la complémentarité de la thérapie sensorimotrice, nous pourrons directement intervenir en ré encodant l’expérience non intégrée, non acquise.
La thérapie sensorimotrice permet une accession à des stades archaïques où la pensée n’était pas mise en forme :
- En élargissant la « fenêtre de tolérance ».
- En développant des ressources et des compétences.
- En apprenant les limites « boundaries» à travers de nouvelles expériences vécues avec le thérapeute.
- En donnant beaucoup d’informations psychopédagogiques qui n’ont pas été prodiguées à ce stade préverbal.
- En renforçant le contenant « container ».
- En développant la capacité d’intégration.
- En favorisant l’apprentissage de l’autorégulation des émotions.
Réhabilitation des émotions en montrant l’aspect positif, leur utilité et leur fonction :
« Les émotions sont génétiquement déterminées… elles se développent dans le non-‐verbal. Elles sont secondairement sociales ». Delage, 2003
Pour le retraitement des empreintes traumatiques précoces, la porte d’accès se fait par le sensoriel qui est la base du développement du bébé et re tricoter là où il y a des trous (expériences manquantes) où il y a des brèches (rupture des liens d’attachements).
La clé est une approche « de bas en haut » (ascendante) (Odgen&Minton, 2012).
Deux axes à prendre en compte l’axe développemental et l’axe traumatique.
Le retraitement permettrait de reprendre là où le développemental c’est arrêté.
En sensorimotrice, re-developpement du système d’action social (SES) inhibé pendant la petite enfance par la négligence et le traumatisme.
En EMDR, le « protocole construit » de Bob Tinker ou l’histoire narrative est le meilleur moyen pour gérer les souvenirs préverbaux.
En thérapie EMDR dans le cas des adoptions, la procédure de la narration d’appropriation de Bob Tinker est très efficace pour le stade précoce.
Le protocole précoce de Kati O’Shea est une autre façon de retraiter les traumatismes préverbaux.
« l’histoire de la science est riche en exemples de rapprochements fructueux entre deux ensembles de techniques, deux ensembles d’idées, développés dans des contextes distincts pour la recherche de vérités nouvelles ». J. Robert Oppenheimer
Bibliographie
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- Stern D. Le moment présent en psychothérapie, Paris, Odile Jacob, 2003
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Lire le powerpoint de cette intervention Les empreintes des traumatismes précoces à travers les thérapies EMDR et Sensorimotrice : les-empreintes-des-traumatismes-precoces-a-travers-les-therapies-emdr-et-sensorimotrice
Marie-France Gizard est psychologue clinicienne, formateur EMDR Europe enfants et adolescents, facilitateur de l’institut français d’EMDR, superviseur EMDR et superviseur spécialisé EMDR enfants et adolescents.