L’EMDR et l’autodysosmophobie
Mis à jour le 14 octobre 2022
Un article sur ” L’EMDR et l’autodysosmophobie : Une étude de cas ” de McGoldrick, Therese; Begum, Millia; Brown, Keith W, publié dans le Journal of EMDR Practice and Research, de novembre 2010, volume 4, number 4
Résumé
L’autodysosmophobie est une maladie actuellement considérée comme un trouble délirant selon les critères DSM-IV. Les patients sont convaincus de produire une mauvaise odeur, ce qui provoque une détresse émotionnelle importante et des conséquences sociales négatives. Son étiologie n’est pas entièrement comprise ; les interventions pharmacologiques et psychothérapeutiques obtiennent généralement peu de résultats. Cet article décrit le traitement de quatre cas consécutifs d’autodysosmophobie dont les symptômes pathologiques avaient persisté depuis 8 à 48 ans. L’administration de l’EMDR se traduisait par le traitement de diverses expériences de vie qui semblaient causer ou déclencher la pathologie. Les séances EMDR ont entraîné la résolution complète des symptômes dans les quatre cas et ce résultat était maintenu lors du suivi. En considération des résultats rapides et durables, nous proposons une hypothèse basée sur le modèle du Traitement Adaptatif de l’Information (TAI) afin d’expliquer l’étiopathologie et la rémission.
Introduction
L’autodysosmophobie est une maladie qui fait débat depuis qu’elle a été décrite pour la première fois voici plus d’un siècle (Potts, 1891). Dans une étude détaillée de 137 patients, Pryse-Phillips (1971) la décrivait comme une aff ection clinique caractérisée par une préoccupation persistante au sujet d’une mauvaise odeur que les sujets perçoivent comme émanant de leur corps. Ceci était accompagné d’une honte profonde, de gêne, d’autodévalorisation, de détresse, de comportements d’évitement et d’isolement social. Les sujets manifestaient une réaction “contrite” marquée à cet égard. Les sujets se lavaient le corps de manière répétée, changeaient souvent de vêtements, avaient un recours excessif aux
parfums et aux déodorants, tout en évitant le contact social. L’affection est généralement chronique et finit par dominer tous les aspects de la vie des personnes atteintes qui en devient profondément perturbée. Il existe des rapports dans la littérature décrivant des suicides découlant de cette maladie (Munro, 1988).
De nombreuses discussions sur la nosologie et la phénoménologie de l’autodysosmophobie se
sont succédées au cours des décennies ; elle a été et continue à être explorée dans la littérature sous différentes vocables, dont la bromidrophobie (Sutton, 1919), le syndrome paranoïde olfactif chronique (Videbech, 1966), l’hypochondrie monosymptomatique (Bishop, 1980a) et la psychose hypochondriaque monosymptomatique (Munro, 1982). Plus récemment il a été suggéré qu’elle pourrait constituer une variante du trouble obsessionnel compulsif (TOC) (avec faible capacité d’introspection), se situant ainsi sur le continuum du spectre obsessionnel compulsif qui comprend également la dysmorphophobie, l’hypochondrie et la jalousie pathologique, qui ont toutes été décrites comme possédant des variantes obsessionnelles et délirantes (Lochner & Stein, 2003). McKenna (1984) considère toutefois ces dernières comme appartenant aux troubles caractérisés par des idées surestimées dont il exclut le TOC. L’autodysosmophobie est actuellement considérée comme délirante et est classée parmi les troubles délirants, type somatique (TDTS) dans la classification du Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4 e éd. ; DSM-IV ; American Psychiatric Association, 1994).
Les cliniciens ont obtenu un succès variable et limité dans le traitement de cette maladie. Différents psychotropes ont été utilisés, parmi lesquels le pimozide est peut-être le plus utile (Munro, 1988). Un résultat favorable a été rapporté dans deux cas avec les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (Stein, Le Roux, Bouwer, & Van Heerden, 1998).
Des échecs ont été décrits avec la sismothérapie, le coma hypoglycémique, de nombreux neuroleptiques et la psychochirurgie (Videbech, 1966). Certains auteurs ont rapporté un succès limité avec des techniques psychothérapeutiques, comprenant les psychothérapies comportementale et psychodynamique (Beary & Cobb, 1981 ; Brosig, Kupfer, Niemeier, & Gieler, 2001 ; Marks & Mishan, 1988).
L’EMDR ( Eye movement desensitization and reprocessing : désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires) est une approche psychothérapeutique en huit phases, basée sur un modèle de traitement adaptatif de l’information (TAI) (Shapiro, 2001) qui fait l’hypothèse que de nombreux troubles sont causés par des souvenirs d’événements perturbants anciens qui sont stockés physiologiquement de manière dysfonctionnelle dans le cerveau (voir aussi Stickgold, 2002). Il est prédit que le ciblage et le traitement de ces événements résultera en la disparition des symptômes cliniques.
Ici nous décrivons quatre cas consécutifs d’autodysosmophobie qui ont été traités avec succès en EMDR, avec un suivi jusqu’à 10 ans plus tard, et nous examinerons le concept d’étiologie basée sur le trauma. Tous les cas ont été évalués par un psychiatre (KWB & MB) avant et après le traitement EMDR ; ils ont reçu le diagnostic de trouble délirant, type somatique selon les critères DSM-III-R et DSM-IV. Après l’EMDR, ils ne remplissaient plus ces critères.
Le premier cas décrit a été traité il y a plus de 10 ans quand notre équipe venait de prendre connaissance des travaux du Dr Shapiro ; l’intervention était basée sur le protocole EMDR décrit dans ses premières publications (Shapiro, 1989a, 1989b). Notre hypothèse était fondée sur la description par la patiente d’images vives et d’une détresse associée en lien avec sa croyance olfactive. Notre prédiction était qu’une diminution au niveau des images vives soulagerait la détresse associée. Les autres cas décrits ont été traités en respectant le protocole EMDR standard.
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https://www.ingentaconnect.com/contentone/springer/emdr/2010/00000004/00000004/art00006
Références
Publisher: Springer Publishing Company
Le Journal of EMDR Practice and Research est une publication trimestrielle consacrée à l’EMDR. C’est une revue interdisciplinaire qui stimule et communique autour de la recherche et de la théorie sur l’EMDR, et leur application clinique qui propose notamment des articles sur les recherches en EMDR, des cas cliniques, des articles résumant l’ensemble des recherches effectuées dans un domaine particulier, des avis théoriques…
Le Journal of EMDR Practice and Research est la publication officielle de EMDR International Association – www.emdria.org.