L’effet de l’EMDR sur la réduction de l’envie de consommer dans les populations souffrant de troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives
Mis à jour le 17 janvier 2025
Une méta-analyse de Martínez-Fernández, D. E., Garzón-Partida, A. P., Aguilar-García, I. G., García-Estrada, J., Luquin, S. et Fernández-Quezada, D., publié dans Research Square
Article publié en anglais – accès libre en ligne
Résumé
Les troubles liés à l’utilisation de substances (TUS) ont un impact négatif important sur les individus et les communautés dans le monde entier. On estime qu’environ 5,5 % de la population mondiale âgée de 15 à 64 ans a consommé des drogues au cours de l’année écoulée, sans qu’aucun remède n’ait été prouvé.
Dans les années 1980, la méthode de désensibilisation et de retraitement par le mouvement des yeux (EMDR) a été mise au point pour traiter le trouble du stress post-traumatique (TSPT). Cependant, son efficacité pour réduire le désir pendant le sevrage n’a pas été démontrée jusqu’à présent.
Une étude systématique et une méta-analyse ont donc été menées pour mieux comprendre les avantages thérapeutiques de la thérapie EMDR.
La recherche a été effectuée sur PubMed et Web of Science, et les études qui utilisaient l’EMDR ont été sélectionnées, en suivant les directives d’information préférentielle pour les revues systématiques et les méta-analyses (PRISMA).
Les résultats indiquent que la thérapie EMDR réduit significativement le désir de consommer des drogues.
En utilisant le modèle des effets fixes, le différentiel médian standard (SMD) était de -0,7243, avec un intervalle de confiance à 95 % allant de -0,9960 à -0,4527 (z = -5,23, p < 0,0001). Le modèle à effets aléatoires a révélé un effet plus significatif (SMD = -0,7985), avec un intervalle de confiance à 95 % allant de -1,2314 à -0,3656 (z = -3,62, p = 0,0003).
Sur la base de ces résultats, on peut conclure que la thérapie EMDR est efficace pour inhiber le désir de consommer des drogues.
Discussion
Au total, 228 participants ont été inclus dans cette méta-analyse afin de déterminer l’efficacité de l’EMDR sur la réduction de l’envie de fumer chez les patients souffrant de troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives. Les résultats indiquent que la thérapie EMDR réduit significativement l’état de manque par rapport aux conditions de contrôle. L’ampleur de l’effet global était de SMD= -0,7243, ce qui indique que la thérapie EMDR a un effet significatif sur la diminution de l’envie de fumer. Il n’y avait pas d’hétérogénéité significative entre les études incluses (Q = 8,38, df = 4, I2= 52 %, p = 0,0785), ce qui confirme l’efficacité générale de la thérapie EMDR sur la réduction de l’envie de fumer. L’hétérogénéité modérée indique qu’en dépit d’une certaine variabilité dans l’ampleur de l’effet des études incluses, les preuves globales soutiennent l’utilité de l’EMDR en tant qu’intervention valable pour la réduction de l’envie de fumer. Néanmoins, ces résultats doivent être interprétés avec prudence car les programmes de méditation, la taille de l’échantillon, les conditions d’intervention et d’autres facteurs peuvent influer sur l’effet du traitement dans les études incluses.
Les effets bénéfiques de l’EMDR sont principalement liés à la stimulation sensorielle bilatérale, généralement déclenchée par les mouvements de la main du thérapeute qui incitent les patients à effectuer des mouvements oculaires latéraux lorsqu’ils se remémorent des souvenirs pénibles. Cette forme de stimulation bilatérale est censée améliorer le traitement de l’information et favoriser la consolidation adaptative des souvenirs. Par conséquent, elle contribue à diminuer la détresse émotionnelle et favorise la résilience psychologique. On pense que ce mécanisme souligne l’efficacité de l’EMDR dans l’atténuation du stress psychologique et l’amélioration du rétablissement de la santé mentale (Carletto et al. 2017 ; Novo Navarro et al. 2018 ; Shapiro 2014). Il est intéressant de noter qu’il a été démontré que la thérapie EMDR diminue à la fois la vivacité et l’intensité émotionnelle des souvenirs chargés positivement (Engelhard, van Uijen et al. 2010 ; Hornsveld et al. 2011), et même les images d’événements futurs potentiels (flash-forwards) (Engelhard, van den Hout et Smeets 2011 ; Engelhard, van den Hout, Dek et al. 2011 ; Engelhard, van den Hout et al. 2010). L’EMDR pourrait être utilisé efficacement pour traiter une série de psychopathologies dans lesquelles les souvenirs inadaptés et l’imagerie mentale sont des facteurs importants, comme dans les cas de troubles liés à l’abus de substances. La capacité de l’EMDR à moduler la réponse émotionnelle associée aux souvenirs négatifs et positifs indique son potentiel en tant qu’outil thérapeutique polyvalent dans divers contextes cliniques.
Dans les troubles liés à la dépendance, l’évocation de souvenirs liés à la substance joue un rôle crucial dans le déclenchement de l’état de manque. Ces envies sont un facteur important dans la poursuite de la consommation de substances et augmentent considérablement le risque de rechute. La vivacité et l’intensité émotionnelle de ces souvenirs peuvent fortement influencer la lutte d’un individu contre la dépendance (Goodyear 2019 ; Killen et Fortmann 1997). Ces souvenirs comprennent à la fois des associations classiques et instrumentales, par exemple les liens entre le stress et le tabagisme ou le tabagisme et la relaxation, ainsi que des souvenirs épisodiques. Dans ce contexte, les souvenirs épisodiques peuvent consister à se rappeler la première fois qu’une substance a été consommée, les conséquences de cette consommation et les expériences liées à la perte de contrôle ou à la rechute. Ce cadre mémoriel global joue un rôle essentiel dans la manière dont les envies de fumer sont déclenchées et gérées, ce qui a un impact sur le cycle de l’addiction et les efforts de rétablissement (Goodman et Packard 2016 ; Müller 2013). L’état de manque est souvent intensifié par l’imagerie sensorielle, qui peut impliquer la visualisation de la substance, le rappel de son odeur ou l’anticipation d’une consommation future. Ce type d’images mentales vives peut rendre l’état de manque plus aigu, renforçant ainsi le désir de consommer la substance et rendant plus difficile la résistance à l’impulsion de rechuter (Jackie Andrade et al. 2012 ; Goodyear 2019).
La réduction de l’envie de consommer peut être facilitée efficacement par des procédures de double tâche. La recherche indique que lorsque les individus s’engagent dans des tâches d’imagerie ou visuospatiales qui ne sont pas liées à la consommation de substances pendant les moments de manque intense, il y a une diminution significative à la fois de la fréquence et de l’intensité de ces besoins. Cette méthode distrait le cerveau, détourne l’attention des pensées liées à la substance et réduit l’expérience globale du manque (Kemps et Tiggemann 2015). Cette activité cognitive simultanée constitue un mécanisme d’adaptation efficace pour gérer les effets aigus de l’état de manque et peut être intégrée de manière transparente dans la pratique clinique. Pour mettre en œuvre cette méthode, les personnes en manque sont encouragées à s’engager dans une double tâche (Garavan et Hester 2007). Il peut s’agir de réaliser simultanément une tâche cognitive qui requiert de l’attention, comme résoudre un puzzle ou participer à un jeu de mémoire, tout en subissant des épisodes de manque. Cette distraction permet d’atténuer l’intensité en occupant l’esprit avec d’autres stimuli, ce qui réduit l’attention portée au désir de consommer la substance. Toutefois, l’efficacité de cette approche dépend de la capacité des personnes dépendantes à reconnaître l’apparition de l’état de manque lorsqu’il est encore gérable. Une reconnaissance précoce permet d’intervenir à temps sur les activités à double tâche, empêchant ainsi les envies de passer à un niveau plus difficile à contrôler (Schwabe et al. 2014).
La recherche sur l’application complète de la thérapie EMDR dans le cadre du traitement des addictions reste limitée. La plupart des études se sont principalement concentrées sur l’utilisation de l’EMDR pour traiter les souvenirs traumatiques chez les personnes souffrant de TSPT comorbide (Calancie et al. 2018 ; Scelles et Bulnes 2021) et non sur les représentations mémorielles ou l’imagerie sensorielle constituant l’envie de substances et la dépendance elle-même (Zweben et Yeary 2006). Malgré un volume considérable de littérature sur l’EMDR et les troubles de la dépendance, la majorité de ces publications sont des études de cas, des protocoles proposés pour des recherches futures, des discussions théoriques ou des études qui ne se concentrent pas spécifiquement sur les troubles liés à l’utilisation de substances. Cela indique que si l’utilisation de l’EMDR dans le contexte de la dépendance suscite de plus en plus d’intérêt et de soutien théorique, il existe peu de recherches empiriques rigoureuses portant directement sur son efficacité dans le traitement des troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives. Ce manque de recherche ciblée souligne la nécessité de mener des études bien conçues pour évaluer l’efficacité de l’EMDR, en particulier dans le domaine du traitement des dépendances.
En outre, il a été observé que le traitement EMDR avait une influence positive sur la régulation des émotions. Par conséquent, il facilite la régulation des émotions positives et souhaitables, ce qui permet de les exprimer plus facilement (Carletto et al. 2017). Le domaine de la régulation des émotions est d’une importance cruciale pour le traitement des troubles de l’addiction. La recherche indique que les personnes qui luttent pour une régulation adéquate des émotions sont souvent confrontées à des difficultés importantes pour interagir efficacement avec leur environnement (Herkt et al. 2014).
En conclusion, les résultats de cette méta-analyse confirment l’efficacité et la faisabilité de la thérapie EMDR dans la réduction des envies de fumer chez les personnes souffrant de troubles liés à l’abus de substances. Cependant, plusieurs limites doivent être prises en compte lors de l’interprétation de ces résultats. La variabilité des modèles d’étude et les différences démographiques des participants peuvent limiter la généralisation des résultats. En outre, le petit nombre d’études incluses dans l’analyse pourrait restreindre davantage l’applicabilité de ces résultats. Ces facteurs soulignent la nécessité de poursuivre les recherches sur des populations plus diverses et plus nombreuses, afin de valider et d’élargir la compréhension de l’efficacité de l’EMDR dans le traitement des troubles liés à l’abus de substances.
En savoir plus
Références de l’article L’effet de l’EMDR sur la réduction de l’envie de consommer dans les populations souffrant de troubles liés à l’utilisation de substances psychoactives :
- auteurs : Martínez-Fernández, D. E., Garzón-Partida, A. P., Aguilar-García, I. G., García-Estrada, J., Luquin, S. et Fernández-Quezada, D.
- titre en anglais : The Effect of Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR) Therapy on Reducing Craving in Populations with Substance Use Disorder: A Meta-analysis
- publié dans : Research Square
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Dossier(s) : EMDR et dépendances / addictions