L’ardoise magique de Michel Silvestre
Mis à jour le 30 septembre 2022
Une interview L’ardoise magique de Michel Silvestre, de Marie Lemonnier, publié dans le cadre du dossier Guérir l’inguérissable, d’Ursula Gauthier, publié dans le nouvel observateur
Cet été, on vous propose de (re)lire une sélection d’articles publiés sur le thème de l’EMDR, souvent difficilement accessible en ligne.
En quelques séances d’exercices oculaires, ce spécialiste de l’EMDR parvient à effacer l’image anxiogène qui perturbe les enfants traumatisés
Un monticule de jouets, coiffé d’un grand Mickey désarticulé, déborde d’un coin de la salle des consultations. Une miniature de Porsche rouge, prête à s’élancer sur une imaginaire piste en verre, trône sur la table basse. Chez Michel Silvestre, ni divan ni silence glaçant. On vient en famille et on joue. Ici, pourtant, on soigne les traumatismes d’enfants, et parfois les plus lourds : accidents de la route ou domestiques, abus physiques et mentaux, agressions, viols…. Ces enfants, qui n’ont parfois que 2 ans, n’ont évidemment aucune envie de se retrouver devant un psy qui écoute et ne dit rien. C’est bien trop angoissant pour eux, justifie Michel Silvestre (1), spécialiste de la méthode EMDR.
Formé au Mental Research Institute (MRI) de l’école de Palo Alto, qui encourage les « thérapies brèves », il fait partie des tout premiers psychologues français à être formés à l’EMDR. Et la pratique dès 1996 sur les auteurs et victimes de violences conjugales du centre Vivre sans Violence en Famille, qu’il dirige à Marseille de 1990 à sa fermeture en 2002. Dans son cabinet d’Aix-en-Provence, en réseau avec ses anciens collègues, il prolonge l’expérience en collaboration avec les services sociaux, qui partagent les frais de la thérapie avec les familles les plus démunies. « L’EMDR est une technique précieuse, immédiatement utile dans les traumatismes simples et tout à fait conciliable avec d’autres thérapies pour les cas complexes.
Elle est en plus très rassurante, familiale et ludique. «Avec les enfants, il faut compter en moyenne six séances, mais on constate parfois des changements en une ou deux séances ! • Le principe ? Les parents, qui « portent la cognition », font le récit des événements en quelques phrases simples aux côtés de l’enfant, questionné par Michel Silvestre sur ses émotions et ses sensations. «Avec cette technique l’enfant n’a pas besoin de raconter tout ce qui lui est arrivé. En revanche, je lui demande de me dire ou de me dessiner ce qu’il ressent quand il y pense, s’il a mal au ventre, chaud, froid, quelles images il a dans la tête… »
A plusieurs reprises et pendant cinq ou dix minutes, on associe aux images le travail EMDR proprement dit. Le jeune patient doit alors suivre des yeux la marionnette ou la voiture qu’on agite devant lui. On fait l’hypothèse que, grâce à ces mouvements des yeux, qui rappellent ceux du sommeil paradoxal, la thérapie permet au cerveau de digérer la charge du souvenir traumatique comme le rêve lui permet de traiter les informations de la journée (on jette, on mémorise, on classe). Quand l’opération réussit, le patient exprime très soudainement un soulagement : il constate la disparition de l’image anxiogène qui l’habitait pourtant si fortement. Beaucoup évoquent une impression d’ardoise magique. Toujours présent, mais nettoyé de sa charge active, le souvenir perd de son emprise. Cette technique connaît aujourd’hui une phase d’explosion. «Alors que nous formions jusque-là environ quatre-vingts personnes par an pour toute la France, nous avons déjà cent cinquante inscrits pour la seule session d’automne 2003 !»
(1) Michel Silvestre est psychologue clinicien et psychothérapeute familial à Aix-en-Provence, secrétaire général de l’association EMDR-France (www.emdr-france.com), dont David Servan-Schreiber est le président, chargé des formations EMDR appliquées à l’enfant, et professeur en thérapie familiale à l’université de Californie à Los Angeles (UCLA).