La peur mise à nu
Mis à jour le 4 août 2021
Un article La peur mise à nu, de Gautier Cariou, publié par le CNRS,
Cet article est tiré du dossier « L’humanité face au risque » publié dans le n°9 de la revue Carnets de science.
Extraits
On sait aujourd’hui qu’il existe une continuité entre la peur normale et ces pathologies, et que l’on peut les étudier par le biais des neurosciences et de l’imagerie cérébrale. « On sait ainsi qu’il existe toute une circuiterie cérébrale qui sous-tend la peur, indique Philippe Fossati. En schématisant, celle-ci englobe l’amygdale, mais aussi des régions du tronc cérébral et l’hypothalamus. » Dans les troubles de la peur, ce réseau devient dysfonctionnel. Toutefois, certains traitements peuvent agir dessus. C’est le cas par exemple de la thérapie EMDR (pour Eye Movement Desensitization and Reprocessing). Recommandée par la Haute autorité de santé dans le traitement du TSPT, elle consiste en des séances de rappel du souvenir traumatique associées à des stimulations auditives, visuelles ou tactiles bilatérales alternées.
Stéphanie Khalfa, chercheuse au Laboratoire de neurosciences sensorielles et cognitives2, a commencé à décrypter les mécanismes sous-jacents à cette thérapie. « Quand on vit un événement douloureux, cela entraîne une suractivation de l’amygdale, explique-t-elle. Dans le cas du stress post-traumatique, la peur ne s’éteint plus. Le cortex préfrontal ne peut plus jouer son rôle de régulateur auprès de l’amygdale. » Anatomiquement, on observe une diminution progressive de la densité de matière grise au niveau de l’hippocampe, siège de la mémoire contextuelle, et du cortex préfrontal. En d’autres termes, le souvenir traumatique est déséquilibré : sa charge émotionnelle prend le pas sur l’information contextuelle. Résultat : des flash-back peuvent survenir à tout moment même si le contexte n’est pas celui du traumatisme.
L’EMDR permettrait en quelque sorte de rééquilibrer le souvenir. En observant avec l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) l’activité cérébrale de patients au moment du rappel du souvenir, Stéphanie Khalfa a montré que les stimuli bilatéraux alternés déclenchent l’activité d’un réseau neuronal en même temps que celui du traumatisme. « Cette coactivation du réseau traumatique et du réseau activé par les stimulations (par un phénomène de résonance stochastique) permet de renforcer des liens entre le réseau traumatique et d’autres structures cérébrales, explique-t-elle. Ce changement provoque une désactivation de l’amygdale. »
Pour améliorer les effets de l’EMDR et éviter toute souffrance liée à l’exposition traumatique, la chercheuse a mis au point – avec le Dr Guillaume Poupard (Institut Way Inside) – Mosaic (pour mouvements oculaires et stimulations alternées pour l’intégration cérébrale), une thérapie où le patient est plongé dans une sensation de sécurité. « Cette thérapie permettrait de coactiver le réseau du trauma et le réseau du vécu sensoriel de sécurité, résume-t-elle. Nous sommes en train de préparer des essais cliniques à Marseille, à La Réunion et en Martinique pour valider cette approche. »
Lire l’article La Peur mise à nu complet sur le site du journal du CNRS
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