Guerre en Ukraine, comment gérer notre anxiété ?
Mis à jour le 17 mars 2022
Guerre en Ukraine, comment gérer notre anxiété ?, un article d’Evelyne Josse, publié dans le cadre de notre dossier EMDR avec les réfugiés.
Voici quelques conseils en vue d’aider les personnes bouleversées par la guerre en Ukraine à gérer leur anxiété.
Oscillation entre informations et vie ordinaire
Actuellement, la population éprouve le besoin d’être informée de la situation en Ukraine. En tant que consommateur, nous avons une responsabilité dans la manière dont nous nous informons [1].
Après avoir regardé les informations source de stress, il est essentiel de revenir à la réalité quotidienne, de reprendre une routine quotidienne rassurante, de s’impliquer dans ses tâches professionnelles, familiales et ménagères, dans ses loisirs. Cette oscillation entre confrontation à la réalité perturbante de la guerre et investissement dans sa vie ordinaire est nécessaire. Être en stress aigu permanent conduit inévitablement à des troubles de santé mentale. Cette oscillation est donc un processus d’adaptation dynamique et régulateur. Les psychologues parlent de dénégation. Ce mécanisme de défense psychologique, nous le connaissons tous : nous vivons comme si nous allions vivre pour l’éternité et simultanément, nous savons que nous allons mourir. Penser constamment à la mort nous empêcherait de vivre. Il en est de même avec la guerre en Ukraine.
S’engager dans des réseaux solidaires
S’engager dans des réseaux solidaires ou dans des associations citoyennes est un excellent moyen de sortir du sentiment de perte de contrôle. Agir permet de se départir du sentiment d’impuissance et donne du sens à notre vie. L’être humain est un être social. La compassion nous rend sensibles à la douleur de l’autre. Cette compassion se caractérise par le besoin solidaire d’agir et d’y remédier. Si notre compassion se déclare principalement à l’égard de l’entourage, nous pouvons également l’éprouver envers des inconnus et nous sentir poussés à agir concrètement pour les aider, en particulier s’ils sont affectés par un grand malheur, ce qui est le cas des Ukrainiens.
Pratiquer des activités physiques et des activités relaxantes
Nous sommes dotés de deux systèmes nerveux autonomes, l’orthosympathique et le parasympathique. Lorsque nous sommes relaxés et détendus, notre système parasympathique est activé. Lorsque nous sommes préoccupés, stressés, anxieux ou angoissés, notre système orthosympathique est activé. Pour recouvrer un équilibre neurologique adéquat, il est essentiel de pratiquer des activités à même de diminuer l’activation du système orthosympathique et d’accroître l’activation parasympathique.
Il existe de nombreuses méthodes traditionnelles et personnelles efficaces pour réduire l’état de stress, qui peuvent pratiquer seul ou en groupe, sans assistance ou sous la conduite d’un animateur. Citons-en quelques-unes : danser, courir, marcher, nager, chanter, faire du stretching et des étirements, pratiquer le thai chi, le yoga, la sophrologie ou l’autohypnose [2], méditer, écouter de la musique, recevoir un massage, etc.
Des méthodes existent pour stimuler spécifiquement le nerf vague, un des nerfs majeurs du système parasympathique. La stimulation du nerf vague ralentit le rythme cardiaque et permet d’apaiser le corps dans les situations stressantes ; il contribue donc à préserver notre énergie. Voici quelques techniques efficaces : les exercices respiratoires [3] et la cohérence cardiaque, le contact avec la nature (par exemple, une balade en forêt), fredonner ou répéter le son “OM” (le nerf vague est connecté aux cordes vocales ; en stimulant les cordes vocales, on stimule mécaniquement le nerf vague) ou bien encore se rincer le visage avec de l’eau froide (le mécanisme par lequel cette méthode active le nerf vague n’est pas connu).
Les personnes dont le système orthosympathique est très activé se sentent agitées et éprouvent des difficultés à rester immobiles. Celles-ci devraient trouver une activité dans laquelle dépenser le surplus d’énergie de leur système nerveux avant de pratiquer une activité relaxante.
Être en contact avec les proches
En tant qu’être humain, nous nous régulons émotionnellement et neurologiquement dans le lien. Pensons aux nourrissons. Ils pleurent parce qu’ils ont faim, parce que leur couche est souillée, parce qu’ils ont mal, parce qu’ils ont froid, etc. C’est dans les bras d’une adulte bienveillant qu’ils se calment. Ils sont incapables de s’apaiser par eux-mêmes ; ils ne trouvent le réconfort que dans le lien. En grandissant, nous apprenons à nous auto-réguler, mais nous trouvons aussi du réconfort auprès de nos proches. Adultes, nous nous co-régulons de manière réciproque. Par des signaux spontanés à peine perceptibles émis par nos visages, la modulation de nos voix et la posture de notre corps, nous nous communiquons mutuellement des signaux de sécurité. Nous avons besoin d’être en lien pour être sécurisés. Pour faire face à la situation actuelle, il est important de retrouver cette sécurité intérieure grâce au contact avec autrui. On ne peut donc que conseiller de maintenir la connexion avec les proches.
Le soutien psychologique et les soins de santé mentale
Le conflit en Ukraine est source de peur et de stress, ce qui est normal. Il faut comprendre que la peur a aidé notre espèce à survivre au cours des siècles. C’est parce que nous sommes à même d’anticiper les dangers que nous avons pu survivre ! Mais au-delà d’un seuil raisonnable, cette peur devient contre-productive et se transforme en stress permanent, voire en angoisse.
Les services d’écoute téléphonique gratuits permettent de parler à quelqu’un dans l’anonymat et de ventiler ses émotions. Certains sont plus spécifiquement dédiés aux personnes qui ont des idées suicidaires, qui souffrent de dépendances aux drogues, à l’alcool ou à la pornographie, etc.
Lorsqu’une personne présente des signes de détresse importants tels que symptômes dépressifs, idées noires, addictions, inquiétudes excessives, crises d’angoisse, retrait social, etc., il est important de consulter un professionnel de la santé mentale. Un recours à des soins de santé mentale de qualité et la poursuite d’un traitement psychologique peut grandement contribuer à la restauration psychique.
L’hypnose et l’EMDR sont deux méthodes efficaces pour combattre le type de troubles anxieux présentés par les personnes bouleversées par la guerre en Ukraine et pour traiter les traumatismes réveillés ou accentués par la crise. Un grand nombre de personnes en souffrance sont dans une forme d’autohypnose négative. Leurs pensées négatives concernant la situation et l’avenir constituent en quelque sorte des croyances négatives, des autosuggestions négatives à l’origine d’émotions pénibles. L’hypnose et l’EMDR leur permettent de renverser la vapeur, de modifier ces croyances négatives et de transformer leur autohypnose négative en autohypnose positive.
Les médicaments anxiolytiques tels les benzodiazépines ne devraient pas être prescrits pour réduire les symptômes anxieux ou les problèmes de sommeil, du moins pas plus de quelques jours. Ces médications pourraient même allonger le temps nécessaire pour se remettre psychologiquement de situations difficiles. Sans compter que les personnes risquent de devenir dépendantes et de souffrir d’un syndrome de sevrage à l’interruption du traitement.
Boîte à outils
- Josse E. (2020). La relaxation http://www.resilience-psy.com/spip.php?article155
- Josse E. (2020). Quelques techniques d’autohypnose centrée sur les phénomènes extérieurs (pour les adultes). http://www.resilience-psy.com/spip.php?article428
- Josse E. (2020). Le syndrome d’hyperventilation lié au stress et à l’anxiété. Causes, symptômes, dépistage et solutions http://www.resilience-psy.com/spip.php?article3
- Josse E. (2020). Techniques d’autohypnose centrée sur les phénomènes extérieurs (pour les enfants). http://www.resilience-psy.com/spip.php?article431
En savoir plus
Evelyne Josse est chargée de cours à l’Université de Lorraine (Metz), Psychologue, psychothérapeute (EMDR, hypnose, thérapie brève), psychotraumatologue. Vous retrouverez de nombreux articles sur notre site et le sien : www.resilience-psy.com
Références bibliographiques
- Josse E. (2019), Le traumatisme psychique chez l’adulte, De Boeck Université, coll. Ouvertures Psychologiques.
- Josse E. (2019), Le traumatisme psychique des nourrissons, des enfants et des adolescents, De Boeck Université, Coll. Le point sur, Bruxelles
- Josse E., Dubois V. (2009), Interventions humanitaires en santé mentale dans les violences de masse, De Boeck Université, Bruxelles.
Aller plus loin
Formation(s) :
- Clinique de l’exil et EMDR
- Les scénarios réparateurs en EMDR dans le traitement des traumatismes et des troubles dissociatifs
- Événements traumatiques : prises en charges individuelles
Dossier(s) : EMDR avec les réfugiés
Tous les documents et conseils utiles pour aider les réfugiés ukrainiens