Facteurs influençant la qualité du traitement dans la thérapie EMDR

Facteurs influençant la qualité du traitement dans la thérapie EMDR

Mis à jour le 24 décembre 2024

Un article de Ramallo-Machín, A., Gómez-Salas, F. J., Burgos-Julián, F., Santed-Germán, M. A., & Gonzalez-Vazquez, A. I., publié dans Frontiers 

Article publié en anglais – accès libre en ligne

Résumé

Cette étude présente une analyse préliminaire d’un nouvel instrument orienté vers l’analyse des processus dans la thérapie EMDR du traumatisme, l’échelle des difficultés de traitement (PDS). 

Cette échelle comprend 17 items décrits par des consultants et praticiens EMDR expérimentés comme indicatifs de problèmes pendant le retraitement de la mémoire. 

La solution factorielle proposée, basée sur quatre facteurs, explique une variance totale de 55 % et une qualité d’ajustement adéquate, sur la base des indices proposés : RMSEA = 0,07 ; TLI = 0,91 ; CFI = 0,95. Le tableau 1 présente les charges factorielles pour chacun des items. 

Le premier facteur comprend 5 items (7, 8, 9, 10, 11), le deuxième facteur comprend 6 items (13, 14, 25, 27, 28, 31), le troisième facteur comprend 3 items (3, 16, 22) et le quatrième facteur comprend 3 items (19, 23, 24). 

L’analyse confirmatoire confirme la solution factorielle proposée dans l’analyse exploratoire et basée sur quatre facteurs avec 17 items. 

L’analyse de la cohérence interne à partir de l’alpha de Cronbach et de l’indice Omega montre une bonne cohérence interne : Facteur 1 (bon traitement ; α = 0,92 ; ω = 0,94), Facteur 2 (manque de généralisation et/ou absence de changements ; α = 0,87 ; ω = 0,90), Facteur 3 (mauvais traitement émotionnel ; α = 0,83 ; ω = 0,85) et Facteur 4 (perte de la double attention ; α = 0,82 ; ω = 0,83). 

Dans le cas de l’échelle totale, les deux coefficients dépassent 0,90, avec un alpha de 0,92 et un oméga de 0,94. 

Les critères de validité convergente et discriminante ont été estimés par le calcul de corrélations, explorant la relation entre les facteurs résultant du résultat final, l’indice global de sévérité (IGS) du SCL-90 et le niveau d’amélioration (NGS). 

Ces analyses statistiques ont montré de bons niveaux de validité convergente et discriminante pour tous les facteurs finaux. 

Le PDS peut offrir une perspective différente pour analyser la controverse entre les cliniciens et les chercheurs sur la nécessité d’une phase de préparation chez les patients présentant un traumatisme précoce complexe, des symptômes dissociatifs et/ou une dysrégulation des émotions, ainsi que les différents résultats des recherches spécifiques sur ce sujet. 

En explorant les problèmes de traitement d’une manière transdiagnostique, dans une analyse préliminaire, nous avons trouvé que le nombre d’événements traumatiques précoces mesurés avec l’ACE est positivement corrélé avec les indicateurs d’une perte de double attention, tandis que la dysrégulation émotionnelle mesurée avec le DERS ne prédit pas un traitement médiocre. 

Enfin, la dissociation mesurée avec le DES semble corréler positivement avec les indicateurs de perte de double attention pendant le traitement, ne semblant pas prédire un mauvais traitement, mais montrant une corrélation négative avec les indicateurs de bon traitement général. 

Ces résultats soutiennent en partie les conclusions de certains auteurs sur l’implication de certaines variables dans le traitement des souvenirs traumatiques, et il pourrait être intéressant d’évaluer les styles de traitement et leur relation avec différents indicateurs, afin de développer des interventions spécifiques dans la phase 2 de la thérapie EMDR, améliorant ainsi les interventions cliniques.

Introduction

La thérapie EMDR (Shapiro, 1996, 1998, 2018) est un traitement axé sur les traumatismes qui a été reconnu comme une thérapie fondée sur des données probantes pour le trouble de stress post-traumatique (TSPT) (Bisson et al., 2013). L’acronyme EMDR signifie Eye Movement Desensitization and Reprocessing (désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires), ce qui fait référence à la fois au traitement des souvenirs, qui est la base sur laquelle ce traitement est structuré, et à l’utilisation des mouvements oculaires à cette fin. Bien que le débat sur le rôle des mouvements oculaires et leur mécanisme d’action reste ouvert (Landin-Romero et al., 2018), ce qui semble clair, c’est que les mouvements oculaires sont un ingrédient actif avec des tailles d’effet modérées à importantes (Lee et Cuijpers, 2013).

Le modèle EMDR postule qu’une part importante de la psychopathologie découle de certaines expériences qui ne peuvent pas être traitées et restent stockées de manière dysfonctionnelle. La thérapie EMDR repose sur l’identification et l’accès à ces expériences. Une fois que le souvenir devient actif dans le système nerveux, le mouvement oculaire – ou d’autres méthodes de stimulation bilatérale (BS), telles que le tapotement ou la stimulation auditive alternée – sont utilisés pour déverrouiller ce souvenir et promouvoir son intégration dans d’autres réseaux plus adaptatifs (Leeds, 2013 ; Shapiro, 2018 ; Hensley, 2020).

Les preuves de l’efficacité des procédures EMDR dans le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et, de plus en plus, dans d’autres pathologies sont de plus en plus nombreuses (Bisson et al., 2007, 2013 ; Acarturk et al., 2016 ; Chiorino et al., 2020 ; Carletto et al., 2021 ; Ironson et al., 2021 ; Yan et al., 2021 ; Burr et al., 2022 ; Conijn et al., 2022 ; Hudays et al., 2022). Cependant, il existe également une variabilité individuelle importante entre les sujets, sans qu’il y ait à ce jour de facteurs clairement identifiés permettant de différencier les répondeurs des non-répondeurs à la thérapie EMDR. Parallèlement, dans ce domaine, une controverse est apparue ces dernières années sur la nécessité d’une phase de préparation avant le traitement de la mémoire, et sur ce sur quoi elle devrait porter De Jongh et al. (2016). Alors que les cliniciens ont proposé diverses stratégies pour améliorer la régulation émotionnelle et travailler sur la dissociation, certains auteurs, principalement dans le domaine de la recherche, ont fourni des données suggérant que la régulation émotionnelle et la dissociation n’influencent pas négativement le traitement de la mémoire (Van Toorenburg et al., 2020 ; Van Der Linde et al., 2023).

Nous pensons qu’une partie de cette controverse peut être due au fait que les cliniciens et les chercheurs travaillent avec des patients différents et observent des éléments différents tout au long du processus thérapeutique. Les sujets qui acceptent de participer à une étude visant à travailler sur les souvenirs traumatiques font preuve d’une volonté que de nombreux patients qui suivent une thérapie ne présentent pas, principalement dans les phases initiales. Outre le fait que de nombreuses études se concentrent sur l’analyse des différences entre les symptômes avant et après la thérapie, l’analyse des processus au cours de la séance fait généralement défaut.

Dans cette étude, nous aborderons la question de la réponse individuelle à la psychothérapie sous un angle différent. Au niveau clinique, les thérapeutes EMDR décrivent généralement des différences importantes dans les styles de traitement, qui ont été recueillies sur une échelle descriptive spécifique (Processing Difficulties Scale, PDS). L’effet de la stimulation bilatérale consiste généralement à favoriser un processus associatif, à diminuer les perturbations, à permettre à l’image de devenir plus distante, plus floue, et/ou à renforcer les pensées liées à la prise de perspective ou à la prise de conscience d’autres aspects. Lorsque ces changements ne sont pas observés, cela peut être un indicateur d’un traitement improductif. L’objectif de cette étude est d’opérationnaliser le concept de « traitement improductif ». Les scores obtenus sur cette échelle reflètent les difficultés rencontrées par les thérapeutes dans les phases 4 à 8 du retraitement EMDR de la mémoire. Cette échelle de style de traitement se concentre sur l’analyse du processus plutôt que sur l’analyse des résultats. Ces deux aspects sont complémentaires et nécessaires dans chaque orientation psychothérapeutique, l’analyse des processus dans la thérapie EMDR étant peu développée à ce jour. La présente étude se concentre sur l’analyse des caractéristiques de l’échelle des difficultés de traitement (PDS).

Le concept de traitement émotionnel a été décrit (Rachman, 1980) comme le processus par lequel une perturbation émotionnelle générée par un événement stressant de la vie diminue jusqu’à ce que la personne puisse retrouver son fonctionnement antérieur. Cependant, lorsque les expériences émotionnelles ne sont pas complètement intégrées ou traitées, cela peut entraîner le retour des peurs ou le développement d’obsessions ou de pensées intrusives, symptômes qui sont inclus dans la description du TSPT (Ehlers et Clark, 2000 ; Brewin, 2001). C’est pourquoi Rachman (2001) a proposé l’évitement excessif ou l’inhibition rigide et prolongée de l’expérience émotionnelle négative comme facteurs pouvant empêcher sa réintégration et sa résolution.

Récemment, un modèle de traumatisme psychologique a été développé en tant que construction transdiagnostique en psychopathologie, dans lequel le traitement émotionnel constitue un mécanisme de risque transdiagnostique (McLaughlin et al., 2020). De même, Pascual-Leone et Greenberg (2007) soulignent qu’il est important de développer le rôle du traitement émotionnel dans différentes approches thérapeutiques, car ses nuances semblent être appliquées différemment dans différents modèles de thérapie. Par exemple, Foa et Kozak (1986) décrivent des indicateurs de l’existence d’un traitement émotionnel – liés à une diminution progressive de la peur et de la réaction à l’objet redouté – en précisant que, si cette courbe n’est pas observée, le fait que l’objet n’active tout simplement pas la réaction antérieure pourrait également être dû à un mécanisme d’évitement. Avec l’EMDR, comme le mécanisme sous-jacent ne semble pas être l’habituation mais la reconsolidation des souvenirs (Suzuki et al., 2004), la diminution de l’émotion se produit souvent complètement au cours d’une seule séance. Toutefois, lorsque le traitement est improductif, il se peut que cela ne se produise pas et que différents facteurs influencent ce traitement improductif.

Hayes et al. (2007) notent également que, pour évaluer son importance clinique, les chercheurs doivent développer un modèle de traitement émotionnel moment par moment qui englobe toutes les approches thérapeutiques, y compris ce qui se passe pendant la séance. Welling (2012) propose de prendre en compte la séquence de transformation émotionnelle comme principe commun de changement en psychothérapie, en pivotant à partir de cette base sur les interventions des différents modèles de thérapie, bien qu’il souligne qu’en cas d’évitement ou de difficultés à identifier certaines émotions, il est plus raisonnable d’utiliser la thérapie d’exposition. Cette analyse des processus en psychothérapie n’a pas été profondément discutée dans la littérature sur la thérapie EMDR, où prédominent les hypothèses sur ce que la stimulation active bilatérale active ou déclenche, et pourquoi elle le fait.

Compte tenu de ce qui a été mentionné ci-dessus, il pourrait être intéressant d’évaluer les styles de traitement et leur relation avec divers indicateurs, afin de développer des interventions spécifiques dans la phase 2 de la thérapie EMDR, améliorant ainsi les interventions cliniques. Le PDS peut offrir une perspective différente pour analyser la controverse entre les cliniciens et les chercheurs sur la nécessité d’une phase de préparation chez les patients présentant un traumatisme précoce complexe, des symptômes dissociatifs et/ou une dysrégulation émotionnelle.

Discussion 

Il existe un débat intense au sein de la communauté scientifique sur la nécessité d’une phase de préparation avant le travail avec les souvenirs traumatiques, en particulier chez les patients souffrant de traumatismes complexes, généralement dérivés de situations interpersonnelles défavorables graves et précoces. Certains auteurs soulignent l’importance de cette phase de préparation (Cloitre et al., 2012a), tandis que d’autres affirment que les preuves ne soutiennent pas cette affirmation et que les souvenirs traumatiques peuvent être abordés dès le début du processus thérapeutique (De Jongh et al., 2016 ; Van Vliet et al., 2021). Le même débat a été établi autour du travail avec les troubles dissociatifs (Cloitre et al., 2012b ; Bae et al., 2016 ; Zoet et al., 2018 ; Van Der Linde et al., 2023), et en ce qui concerne la dysrégulation émotionnelle (Van Toorenburg et al., 2020). Certains résultats soutiennent l’idée que la gravité des difficultés de régulation des émotions n’est pas associée à de plus mauvais résultats du traitement axé sur le traumatisme pour le TSPT. En outre, les difficultés de régulation des émotions se sont améliorées après un traitement axé sur le traumatisme, même chez les personnes qui avaient été exposées à un traumatisme sexuel dans la petite enfance et chez les personnes présentant un sous-type dissociatif (Van Toorenburg et al., 2020).

Ce débat s’est polarisé entre les chercheurs et les cliniciens, ces derniers affirmant que les études de recherche ne reflètent pas la réalité des consultations avec leurs patients et les premiers considérant les opinions des cliniciens comme subjectives et contraires aux données empiriques. En général, les cliniciens sont plus favorables aux approches progressives du traitement des patients souffrant de traumatismes précoces, de dysrégulation émotionnelle et de dissociation. Ces divergences peuvent être dues, d’une part, au fait que les études scientifiques portent généralement sur des échantillons dont le diagnostic est bien établi, alors qu’en consultation, on trouve des patients dont le diagnostic est moins clair et qui présentent une forte comorbidité. Un autre élément qui peut expliquer ces différentes perspectives est celui que nous analysons dans cet article : il est possible que les cliniciens soient plus conscients des difficultés qui surviennent dans le traitement que de l’évolution globale de leurs patients.

L’analyse des processus peut être une voie intéressante dans la recherche sur la thérapie EMDR, qui peut aider à établir des interventions spécifiques dans la phase de préparation dans le but d’améliorer le traitement des souvenirs traumatiques, en plus de mieux comprendre quels facteurs peuvent être impliqués dans les difficultés qui peuvent apparaître pendant le retraitement. Cette perspective peut s’accorder avec Hayes et al. (2007), qui soulignent la nécessité de procéder à une analyse de ce qui se passe moment par moment dans la session. C’est pourquoi nous pensons que l’échelle que nous essayons d’étudier peut apporter un éclairage dans ce domaine.

Dans la présente étude, l’analyse factorielle exploratoire (EFA) de l’échelle des difficultés de traitement (PDS) a produit quatre facteurs qui reflètent différentes difficultés qui peuvent survenir pendant le traitement des souvenirs traumatiques dans la thérapie EMDR : (Facteur 1) indicateurs d’un bon traitement ; (Facteur 2) indicateurs d’un manque de généralisation et/ou d’une absence de changements pendant le traitement ; (Facteur 3) indicateurs d’un mauvais traitement émotionnel ; (Facteur 4) indicateurs d’une perte de l’attention double.

Nous considérons qu’il est important, à notre tour, d’inclure dans notre étude des patients ayant des diagnostics divers, en explorant les problèmes de traitement d’une manière transdiagnostique. Dans une analyse préliminaire de la présente échelle, qui sera présentée dans un poster au Congrès européen de l’EMDR (Ramallo-Machín et al., 2024), nous avons effectué une analyse corrélationnelle entre les quatre facteurs de la présente étude et les échelles suivantes : Difficulties in Emotion Regulation Scale (DERS) (Gratz et Roemer, 2004) ; Dissociative Experiences Scale (DES) (Bernstein et Putnam, 1986) ; Adverse Childhood Experiences International Questionnaire (ACE-IQ) (Organisation mondiale de la santé 2018).

D’après les résultats obtenus dans l’analyse corrélationnelle entre les quatre facteurs et les échelles utilisées, il semble que la dysrégulation émotionnelle mesurée avec le DERS ne prédise pas un mauvais traitement. En revanche, le nombre d’événements traumatiques précoces mesuré avec l’ACE est uniquement lié aux indicateurs de perte de double attention (Facteur 4), dans le sens où plus le nombre d’événements traumatiques précoces est important, plus la probabilité d’une perte de double attention et d’une dissociation lors du traitement est élevée. Enfin, la dissociation mesurée avec le DES est liée aux indicateurs généraux de bon traitement (Facteur 1), dans le sens où plus les niveaux de dissociation sont faibles, plus la probabilité d’un bon traitement pendant la session est élevée. Cependant, il ne semble pas être lié aux indicateurs d’absence de changement ou de généralisation (facteur 2) pendant le traitement. De même, il est lié aux indicateurs de perte de double attention (Facteur 4), dans le sens où plus le niveau de dissociation est élevé, plus la probabilité d’une perte de double attention pendant le traitement est grande. Ces résultats soutiennent en partie les conclusions des auteurs susmentionnés et peuvent fournir une nouvelle perspective d’analyse de cette controverse.

Il pourrait être intéressant d’évaluer les styles de traitement et leur relation avec différents indicateurs, afin de développer des interventions spécifiques dans la phase 2 de la thérapie EMDR, ainsi que pendant le traitement des souvenirs traumatiques, en améliorant les interventions cliniques. Le PDS peut offrir une perspective différente pour analyser la controverse entre les cliniciens et les chercheurs sur la nécessité d’une phase de préparation chez les patients présentant un traumatisme précoce complexe, des symptômes dissociatifs et/ou une dysrégulation émotionnelle.

En savoir plus 

Références de l’article Facteurs influençant la qualité du traitement dans la thérapie EMDR :

  • auteurs : Ramallo-Machín, A., Gómez-Salas, F. J., Burgos-Julián, F., Santed-Germán, M. A., & Gonzalez-Vazquez, A. I.
  • titre en anglais : Factors influencing quality of processing in EMDR therapy
  • publié dans : Front Psychol, 15, 143288

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