Efficacité du traitement axé sur les traumatismes pour les adolescents atteints de trouble dépressif majeur
Mis à jour le 29 septembre 2022
Une article sur L’efficacité du traitement axé sur les traumatismes pour les adolescents atteints de trouble dépressif majeur, de Corine Paauw, Carlijn de Roos, Judith Tummers, Ad de Jongh & Alexandra Dingemans, publié le 8 Nov 2019, dans le Journal European Journal of Psychotraumatology , Volume 10, 2019, Issue 1
Contexte :
le trouble dépressif majeur (TDM) à l’adolescence a une prévalence et un risque d’invalidité élevés, mais les traitements actuels montrent une efficacité limitée et des taux élevés d’abandon et de rechute. Bien que le rôle des expériences douloureuses liées au développement et au maintien de la MDD soit reconnu depuis des décennies, l’efficacité d’une approche de traitement axée sur le traumatisme pour la MDD n’a guère été étudiée.
Objectif :
déterminer l’efficacité du traitement de désensibilisation et de retraitement des mouvements oculaires comme intervention autonome chez les adolescents atteints de MDD. Nous avons émis l’hypothèse que le retraitement des souvenirs de base liés à l’apparition et au maintien de la MDD à l’aide de la thérapie EMDR serait associé à une diminution significative des symptômes dépressifs et comorbides.
Méthode :
nous avons recruté 32 adolescents (12 à 18 ans) qui répondaient aux critères du DSM-IV pour la MDD légère à modérée-sévère à partir d’une unité de soins de santé mentale pour les jeunes en consultation externe. Le traitement consistait en six séances individuelles hebdomadaires de 60 min. La présence ou l’absence de classification MDD (ADIS-C), de symptômes de dépression (CDI), de symptômes de stress post-traumatique (UCLA), d’anxiété (peur), de troubles somatiques (CSI) et de fonctionnement social et émotionnel global (SDQ) ont été évaluées avant et après le traitement et trois mois après le traitement.
Résultats :
60,9% des adolescents qui terminaient leur traitement ne répondaient plus aux critères du DSM-IV pour la MDD après le traitement, et 69,8% lors du suivi. Les analyses multiniveaux ont démontré une réduction significative des symptômes dépressifs (CDI: d = 0,72 de Cohen), du stress post-traumatique comorbide, de l’anxiété et des troubles somatiques, tandis que le fonctionnement social-émotionnel global s’est amélioré. Ces gains ont été maintenus après un suivi de 3 mois (D de Cohen = 1,11). La sévérité des réactions de stress post-traumatique a significativement prédit le résultat du traitement; toutefois, la durée de la MDD, le nombre de troubles comorbides ou les antécédents de violence psychologique, de négligence émotionnelle ou de négligence physique n’étaient pas des prédicteurs de résultats.
Conclusions :
il s’agit de la première étude suggérant que le traitement par EMDR est associé à une réduction significative des symptômes dépressifs et des problèmes psychiatriques comorbides chez les adolescents présentant un TDM léger à modéré-sévère.
EXTRAITS :
4. Discussion
À notre connaissance, en plus d’une étude sur deux cas (Bae et coll., 2008) il s’agit de la première étude sur les résultats qui a examiné l’efficacité du traitement par EMDR chez les adolescents ayant reçu un diagnostic primaire de MDD. Les résultats ont démontré une diminution significative des symptômes dépressifs et du stress post-traumatique comorbide, de l’anxiété, des troubles somatiques et du fonctionnement social-émotionnel global. Plus de 60% des adolescents qui terminaient leur traitement ne répondaient plus aux critères d’un diagnostic de MDD après le traitement. Les valeurs moyennes à élevées de l’effet suggèrent des effets cliniquement pertinents qui se sont maintenus à 3 mois de suivi.
Il est à noter que la rémission des symptômes dépressifs a été obtenue après seulement six séances d’une heure. Pour les finissants, la plupart des souvenirs liés à la MDD qui ont été identifiés ont été traités à l’aide de la thérapie EMDR. Cela donne à penser que le nombre de six séances semble suffisant pour la plupart des adolescents. À cette fin, il n’existe pas d’études semblables chez les adolescents pour comparer nos résultats, mais les résultats actuels concordent avec ceux de L’étude de cas de Bae et coll. (2008), et des études faisant état de l’effet du traitement à L’EMDR comme intervention autonome dans la MDD chez l’adulte (Gauhar, 2016; Minelli et al., 2019; Wood et al., 2018).
Les résultats du traitement dans notre étude semblent être influencés de façon significative par la sévérité initiale des réactions de stress post-traumatique, ce qui signifie que les adolescents ayant des niveaux élevés de réactions de stress post-traumatique ont démontré une diminution plus importante des symptômes dépressifs au cours du traitement. Aucun des autres prédicteurs (c.-à-d. le nombre de troubles comorbides, la durée de la MDD et les antécédents de violence psychologique, de négligence psychologique ou physique) ne semblait avoir influencé le résultat du traitement. À cette fin, il pourrait être particulièrement encourageant de constater que les résultats indiquent qu’une longue durée de MDD et de nombreux problèmes de comorbidité (74,2% présentaient deux troubles comorbides ou plus) n’ont pas nui de façon significative aux effets de la thérapie EMDR dans cette population, ce qui contraste avec ce qui est souvent observé dans les études qui utilisaient une thérapie cognitivo-comportementale (Weersing et al. En 2017). Toutefois, ces résultats doivent évidemment être interprétés avec prudence, puisqu’il s’agit d’une première petite étude de faisabilité avec une puissance limitée.
Le fait que des événements indésirables, tels que des tentatives de suicide, un comportement autodestructeur grave et des contacts en situation de crise, ne se soient pas produits donne à penser que le traitement de la MDD au moyen d’une approche axée sur le traumatisme est sécure. Dans le même ordre d’idées, le taux d’abandon (21,9%) était comparable aux taux d’abandon obtenus dans d’autres études sur le traitement à L’EMDR en tant que traitement autonome de la MDD (p. ex. Gauhar, 2016: 23%; Minelli et al., 2019: 15,4%; Wood et al., 2018: 30%). D’autre part, par rapport au taux d’abandon (57%) d’une étude néerlandaise sur le CBT avec une population comparable (Stikkelbroek et al., 2013), le taux d’abandon de la présente étude peut même être considéré comme faible.
Cette étude pilote comporte donc plusieurs limites. La limitation la plus importante est que l’absence d’une liste d’attente et/ou d’une condition de contrôle actif, de sorte que nous ne pouvons pas exclure que les améliorations observées étaient dues soit à un artefact temporel, soit à des effets placebo. Deuxièmement, la taille de l’échantillon était petite et la période de suivi de trois mois était relativement courte. Troisièmement, étant donné la vaste gamme d’études montrant que cette population souffre souvent d’intentions suicidaires, nous voulions être prudents et exclure les personnes souffrant de dépression grave. Bien que les résultats de la présente étude de faisabilité ne corroborent pas la notion que l’utilisation de L’EMDR est dangereuse en termes d’événements indésirables, on pourrait avancer que l’exclusion d’un sous-groupe sévère pourrait rendre les résultats moins généralisables. Fait intéressant, cependant, il y a peu d’études avec lesquelles nous pouvons comparer nos résultats sur ce point. Par exemple, dans L’étude de Stikkelbroek et al. (2013) avec des scores totaux moyens comparables pour L’IDC, la gravité de la dépression n’était pas un critère d’exclusion, mais un risque de suicide aigu. Outre les évidentes limites de la présente étude, certaines forces doivent également être notés. Un point fort important de cette étude est qu’elle incluait un groupe représentatif d’adolescents suivis dans des soins de santé mentale de routine, en termes de durée relativement longue des symptômes dépressifs, de nombreux problèmes de comorbidité, et ayant reçu un traitement ou un counselling antérieur infructueux, ce qui rend les résultats hautement généralisables. Une autre force est l’utilisation d’une entrevue clinique semi-structurée basée sur le DSM, menée par des intervieweurs formés. Enfin, les thérapeutes ont utilisé un protocole de traitement manuel, des listes de contrôle des séances et des séances enregistrées sur vidéo, qui ont été évaluées et discutées pendant la supervision afin d’améliorer l’intégrité du traitement.
Pourtant, malgré les résultats prometteurs, la plupart des patients souffraient encore de symptômes dépressifs après la fin du traitement par EMDR. Plus précisément, 39,1% des adolescents qui ont terminé le traitement répondaient encore aux critères diagnostiques de la MDD selon L’ADIS-C; 62,5% ont obtenu un score supérieur au seuil de la CDI de 16, et 68% des patients ont reçu des interventions de traitement supplémentaires (c.-à-d. TCC, formation sur la régulation des émotions, counselling auprès des parents, interventions familiales, médicaments ou une combinaison de ces interventions) pour les autres plaintes après l’étude. D’autres recherches sont nécessaires pour déterminer si l’ajout d’interventions fondées sur des données probantes visant la restructuration cognitive ou des interventions familiales peut mener à une réduction plus marquée des symptômes, à une diminution du taux d’abandon scolaire et à une diminution des soins postopératoires. Plus généralement, étant donné la nature hétérogène de la MDD, il serait naïf de s’attendre à ce qu’une seule approche thérapeutique, par exemple un traitement axé sur le traumatisme, suffise à guérir toutes les différentes apparitions de MDD. C’est-à-dire, pour un certain sous-groupe d’adolescents avec traitement MDD utilisant la thérapie EMDR pourrait être de valeur comme nos résultats suggèrent, mais le traitement d’autres sous-groupes, à l’égard de laquelle (combinaisons de) interventions sont les plus réussies, nécessite une investigation plus approfondie.
En conclusion, les résultats de cette étude ont montré que l’application de la thérapie EMDR était sûre et associée à une réduction significative des symptômes dépressifs et des problèmes psychiatriques comorbides. Il est clair que des essais contrôlés randomisés avec une puissance statistique suffisante sont nécessaires pour établir l’efficacité du traitement par EMDR chez les adolescents atteints de MDD légère à modérée ou sévère.
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