Dossier EMDR avec les réfugiés
Mis à jour le 11 mars 2023
L’EMDR peut apporter une contribution significative pour aider les victimes d’attaques terroristes, les réfugiés et demandeurs d’asile. La recherche et les recommandations internationales montrent que la thérapie EMDR peut aider les réfugiés à plusieurs niveaux : la prévention des troubles mentaux, la résolution des facteurs de risque, faciliter l’intégration et l’adaptation des réfugiés dans une nouvelle culture, et aider à transformer les expériences critiques à laquelle cette population est exposée en quelque chose de constructif.
L’immigration en chiffres en France et dans le monde
Dans le monde, le nombre de personnes contraintes de quitter leur pays d’origine en raison de guerres, de persécutions, de conflits ou d’autres types de violence a augmenté pour atteindre, fin 2020, près de 82,4 millions de personnes déracinées à travers le monde, en raison de la persécution, des conflits, des violences, des violations des droits humains ou d’événements troublant gravement l’ordre public, selon les estimations de l’UNHCR. Ils ont décidé de quitter leur pays par tous les moyens, parfois au péril de leur vie. Le nombre de réfugiés dans le monde est en nette hausse : il a doublé en dix ans.
La plupart de ces personnes déplacées sont originaires de pays en guerre (Syrie, Yemen, Centrafrique, République Démocratique du Congo, Sud Soudan) ou de pays qui subissent des vagues de violences communautaires ou religieuses (Birmanie).
On compte parmi elles 48 millions — soit plus de la moitié — de déplacés internes c’est-à-dire qu’ils sont restés à l’intérieur de leur pays, et presque 26,4 millions de réfugiés dont plus de la moitié à moins de 18 ans. Précisons qu’un réfugié est une personne à qui est accordée une protection, en raison des risques de persécution qu’elle encourt dans son pays d’origine à cause de son appartenance à un groupe ethnique ou social, de sa nationalité ou de ses opinions politiques.
Il existe aussi des millions de personnes apatrides qui ont été privées de nationalité et d’accès aux droits élémentaires comme l’éducation, les soins de santé, l’emploi et la liberté de circulation. Actuellement 1 personne sur 95 a été forcée de fuir son foyer à cause des conflits ou de la persécution.
80 000 personnes ont effectué une demande d’asile en 2020 en France. L’origine de ces demandeurs d’asile est très variable puisqu’elle dépend du contexte géopolitique mondial. Toutefois, en 2020, trois pays asiatiques étaient en tête des pays d’origine des demandeurs d’asile en France : Afghanistan, Bangladesh, Pakistan. Les Afghans représentent la première communauté, avec 41 000 personnes, devant les Syriens (35 327) et les Sri-Lankais (33 675).
En France, en 2019, on estimait à 40 000 le nombre de mineur·e·s non-accompagné·e·s pris·e·s en charge par les départements, dont seulement 17 000 ont été confié·e·s à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) et moins de 1000 ont déposé une demande d’asile.
Des problèmes psychologiques élevé chez les réfugiés
Les migrants sont une population particulièrement à risque de TSPT en raison de confrontations fréquentes à un ou plusieurs événements traumatisants (traumatisme complexe) dans leur pays d’origine, sur le parcours de l’exil mais aussi dans le pays d’accueil où ils vivent dans l’insécurité et la précarité.
Les réfugiés ont comme dénominateur commun des parcours de vie complexes. Pour beaucoup d’entre eux, ils ont vécu dans leur pays d’origine des situations de ruptures et de violence. À défaut de possibilités d’accès sûres et légales, ils ont emprunté une route migratoire qui comporte de nombreux dangers. Les risques d’assassinat, d’enlèvements, d’abus physiques, de violences sexuelles et de genre ainsi que les risques d’humiliation sont prégnants sur ces itinéraires. La route de l’exil peut provoquer chez certains migrants des traumatismes et entraîner des dépressions.
Les traumatismes sont nombreux et souvent très lourds : maux de tête, terreurs nocturnes, perte de repères spatiaux-temporels, cauchemars, dépression, crise d’angoisse, idées suicidaires, humeur triste, anxiété, troubles de la concentration, sentiment d’impossibilité à faire face, à faire des projets ou à continuer dans la situation actuelle.
Ceux qui n’ont pas développés de troubles n’en sont pas moins fragilisés. Pour tous, le départ, l’arrachement au groupe social, la violence des parcours migratoires et l’arrivée dans un environnement inconnu sont autant de facteurs de déstabilisation psychique.
D’après le dernier rapport de la Comede, Comité pour la santé des exilés, entre 2013 et 2017, sur l’ensemble des demandeurs d’asile reçus par l’association, près de 7 sur 10 souffraient d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT).
Des études épidémiologiques confirment que le risque d’apparition de problèmes psychologiques est élevé chez les réfugiés [Fazel M, Wheeler J, Danesh J. Prevalence of serious mental disorder in 7000 refugees resettled in western countries: a systematic review. Lancet. 2005;365(9467):1309–14].
Le terme de réfugié désigne un individu qui a franchi une frontière internationale poussé par une crainte de persécution et qui, de ce fait, demande la protection d’un autre pays, lequel reconnaît sa demande d’asile.
L’histoire clinique de ces individus est caractérisée par une exposition répétée à des événements traumatiques (torture, nombreuses pertes de pairs et de personnages importants, blessures graves, scénarios de guerre et pénurie alimentaire) [Goodwin-Gill GS, Mc Adam J. The refugee in international law. Oxford: Oxford University Press; 2007].
Plusieurs raisons peuvent expliquer l’absence de prise en charge et/ou d’intérêt pour des consultations d’ordre psychologiques. La demande d’une prise en charge en santé mentale est peu exprimée par les migrants : la santé intervient au second plan face à la survie au quotidien, et, dans certains pays, la profession de psychologue n’existe pas ou est peu connue, dans d’autres, recevoir des soins psychologiques est tabou voire honteux. L’absence de suivi ne facilite pas la prise en charge : les migrants sont très souvent en mouvement, or les traumatismes sont tellement grands qu’une séance ne suffit pas. La langue est souvent un obstacle aux soins, le recours à l’interprétariat professionnel étant très limité. La lourdeur des démarches administratives et la longueur des procédures de régularisation, les problèmes d’accès au logement ou à l’emploi… sont également des facteurs de risque de souffrance psychique.
Des symptômes qui ne s’arrangent pas toujours dans le pays d’arrivée. Les conditions d’accueil peuvent également majorer les troubles psychiques pré existants. des mineurs non accompagnés au cours de la procédure en reconnaissance de minorité majorent les troubles psychiques préexistants
Utilisation de protocoles EMDR avec des mineurs réfugiés
De nombreuses études menées dans des zones géographiques et des contextes variés ont mis en évidence l’utilisation de protocoles EMDR avec des mineurs réfugiés. Parmi celles-ci, on trouve notamment :
Molero, Jarero et Givaudan ont publié un essai contrôlé randomisé multisite longitudinal sur la mise à disposition de l’EMDR-IGTP-OTS aux mineurs réfugiés à Valence, en Espagne. Les résultats de l’étude indiquent que l’administration intensive de PP EMDR-IGTP-OTS pourrait être une solution réalisable, rentable, composante efficace dans le temps, sensible à la culture et efficace d’un programme multidisciplinaire basé sur des groupes psychosociaux pour lutter contre le TSPT, la dépression et les symptômes d’anxiété chez les mineurs réfugiés.
Smyth-Dent, Fitzgerald et Hagos proposent une étude de terrain sur le protocole de traitement de groupe intégratif EMDR pour le stress traumatique continu fourni aux réfugiés érythréens adolescents vivant en Éthiopie destinée à évaluer l’efficacité du protocole de traitement de groupe intégratif EMDR pour le stress traumatique en cours (EMDR-IGTP-OTS) dans la réduction du trouble de stress post-traumatique (TSPT), de la dépression et des symptômes d’anxiété chez les adolescents réfugiés vivant à l’intérieur du Camp de réfugiés de Shimelba à Shiraro, Éthiopie
Hurn R et Barron I. ont publié un protocole de traitement de groupe intégratif EMDR dans un programme psychosocial pour les enfants réfugiés : Une étude pilote qualitative
Wadaa NN, Zaharim NM, Alqashan HF. abordent l’efficacité du protocole de groupe EMDR avec les enfants pour réduire le TSPT chez les enfants réfugiés. Les résultats suggèrent que les interventions EMDR-GP/C peuvent réduire les symptômes du TSPT et de la dépression, ainsi qu’améliorer le bien-être des enfants réfugiés syriens atteints de TSPT. Il semble également que le contenu de l’EMDR-GP/C aide les enfants à intégrer l’ensemble de l’expérience, en reconstruisant une signification adaptative de l’événement traumatique.
Des protocoles de groupe
Comme l’expliquent Civilotti, Margola, Zaccagnino, Cussino, Callerame, Vicini & Fernandez, dans leur article l’EMDR dans la psychologie de l’enfant et de l’adolescent : un examen narratif : » Compte tenu de la situation critique, ces personnes sont très susceptibles d’être retraumatisées et exposées à de nouveaux événements traumatiques ; les contraintes de temps ancrées dans le contexte d’urgence et les difficultés organisationnelles dues aux caractéristiques socio-économiques du contexte incitent à choisir un protocole de groupe plutôt qu’un cadre individuel. «
La plupart des interventions EMDR utilisent le protocole de traitement de groupe intégratif (EMDR-IGTP) ou le protocole de traitement de groupe intégratif pour le stress traumatique continu (EMDR-IGTP-OTS) avec ces populations de patients.
Le protocole EMDR-IGTP-OTS intègre de nombreux avantages qui sont adaptés aux populations de réfugiés. Il permet d’identifier, de cibler et de traiter le continuum d’expériences traumatiques multiples auxquelles sont confrontées les populations de réfugiés qui subissent un stress traumatique permanent. Le traitement EMDR individuel peut être dispensé à des groupes de réfugiés, petits ou grands, dans le cadre d’une modalité de traitement intensive, afin que les patients puissent recevoir un traitement efficace et effectif. L’ensemble du traitement et l’exposition des souvenirs se déroulent en présence des thérapeutes, qui régulent les affects. En tant que traitement interculturel sensible à la culture, l’EMDR-IGTP-OTS réduit la résistance culturelle au traitement, même pour les membres de cultures réticentes, car il est peu intrusif et ne nécessite pas la création d’un récit de l’expérience traumatique, la divulgation verbale ou écrite des détails, la reviviscence prolongée de l’expérience traumatique ou le travail à domicile. Le souvenir troublant n’est pas visualisé mentalement comme dans le protocole standard de l’EMDR, mais il est représenté concrètement dans les dessins ou les symboles du participant. S’appuyer sur les dessins
L’utilisation du protocole IGTP-OTS est également attribuable aux tentatives de limiter les réticences culturelles (les pays d’origine des participants de l’échantillon sont souvent peu familiers avec les pratiques liées au diagnostic et au traitement des problèmes de santé mentale) [55].
En fait, les caractéristiques les plus importantes de l’EMDR dans ces contextes sont l’absence d’intrusion, l’approche non narrative en ce qui concerne le récit de l’expérience traumatique et l’absence de devoirs entre les séances. Avec ces protocoles EMDR, on ne demande généralement pas aux patients de parler de leurs souvenirs traumatiques mais de les représenter graphiquement à l’aide de dessins ou de symboles.
Toutes les études soulignent une augmentation du bien-être psychologique des sujets associée à une réduction des symptômes du TSPT, de l’anxiété et de la dépression.
Les résultats montrent que cette intervention EMDR est efficace (les données recueillies après le traitement montrent une diminution des réactions psychologiques et somatiques) et fonctionnelle en quelques séances de groupe, ce qui fait de l’EMDR un traitement rentable.
Certaines recherches détaillent les adaptations culturelles du protocole EMDR standards
Le protocole EMDR standard a été créé dans un contexte culturel occidentalo-centré. La pratique de l’EMDR s’est étendue depuis à d’autres cultures, notamment dans le cadre de prise en charge de populations migrantes et réfugiées et lors d’interventions humanitaires à l’étranger…
Comment développer une relation thérapeutique avec des patients d’une autre culture et établir une relation de confiance ? Comment surmonter les différences culturelles dans les styles de traitement et d’expression des émotions ? Comment réduire les résistances culturelles au traitement ?… Plusieurs auteurs abordent ces questions :
Naseh, M., Stempel, R., Macgowan, M. J., Wagner, E. F., Abtani, Z., Potocky, M., & Stuart, P. H. ont réalisé une revue systématique des adaptations culturelles dans les interventions psychosociales pour le trouble de stress post-traumatique chez les réfugiés. Les adaptations culturelles couramment utilisées dans les études examinées comprenaient des modifications du personnel et du contexte, des changements de contenu et la traduction ou l’adaptation des outils d’évaluation.
Mbazzi, F. B., Dewailly, A., Admasu, K., Duagani, Y., Wamala, K., Vera, A., Roth, G. formulent des recommandations pour une adaptation culturelle du protocole EMDR qui le rende culturellement pertinent pour les patients africains, dans un article Adaptations culturelles du protocole EMDR standard dans cinq pays africains, : formulation du texte du protocole, expression culturelle des pensées et des émotions, choix de la stimulation, simplification des échelles quantitatives…
Amara P. aborde la question du psychotrauma et de la thérapie EMDR en contexte transculturel dans un article La thérapie EMDR en contexte interculturel
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