Dans ce dossier EMDR avec les enfants et adolescents nous vous proposons des articles sur l’utilisation de l’EMDR avec les enfants et les adolescents.
En tant que psychologues et psychiatres, nous avons eu à connaître Les événements de vie L majeurs et mineurs qui perturbent le fonctionnement de l’enfant ou de La famille. Pour aider ces familles, le thérapeute est confronté à des questions complexes, difficiles et il peut envisager différentes approches thérapeutiques pour intervenir dans ce genre de situations.
Ce qui est spécifique à la thérapie EMDR, c’est qu’elle est synergique et intègre de nombreux aspects de différentes approches psychothérapeutiques (Servan-Schreiber, 2003). Elle partage avec la psychanalyse l’idée que les symptômes actuels sont la conséquence d’expériences passées et elle utilise également L’association libre ; avec ta thérapie cognitive et comportementale (TCC), elle partage un travail des cognitions et des croyances et crée une désensibilisation de cibles spécifiques ; avec la perspective éricksonienne elle partage une double attention au passé et au présent et à l’état de conscience modifiée ; avec la perspective de la thérapie systémique familiale, elle partage les processus d’interaction entre l’« ici et maintenant » et les expériences passées ; avec l’analyse transactionnelle, elle partage le rappel et la transformation de souvenirs significativement importants de l’enfance en une compréhension adulte. Enfin, avec Janet (1889), l’EMDR partage l’idée qu’à la suite d’un traumatisme, les souvenirs sont stockés de manière fragmentée dans Lesquels la cognition, l’émotion et la sensation ne sont pas intégrées.
L’EMDR a été découvert par le Dr Francine Shapiro de manière fortuite en 1987 (Shapiro, 1989a et 1989b). On a utilisé d’abord l’EMDR auprès d’une population adulte de soldats souffrant d’un TSPT (trouble de stress post-traumatique). Ellee se compose de huit phases de traitement : histoire, préparation, évaluation, désensibilisation, installation, scan corporel, clôture et réévaluation. L’EMDR se fonde sur le modèle du processus de traitement adaptatif de l’information de Shapiro (TAI) (Shapiro, 1995 et seconde édition 2001). Le modèle TAI repose sur la thèse selon laquelle Les réseaux mnésiques sont la base de la perception, des attitudes et du comportement. Ce modèle postule qu’il existe en chacun de nous un système physiologique de traitement de l’information. Grâce à lui, les nouvelles expériences et informations sont en principe traitées dans un but d’adaptation. Ce système physiologique de traitement de l’information, comme le corps, est orienté vers la guérison et La santé. Les informations sont stockées dans des réseaux mnésiques contenant des pensées, des émotions et des sensations liées entre elles. La réponse physiologique lors d’un traumatisme extrême interfère avec le système de stockage. Le souvenir traumatique est encodé de façon spécifique et ne peut être traité. Il devient « figé ». Les images, émotions et sensations sont stockées tel quel ce qui donne lieu à des réactions dysfonctionnelles. Les personnes qui ont subi des traumatismes peuvent développer toute une série de problèmes, comme des cauchemars, des flash-back, des peurs et des stratégies d’évitement. On postule que le traitement de l’information bloquée est facilité par la stimulation bilatérale alternée (SBA). Celle-ci utilise les mouvements des yeux, les sons ou les tapotements pendant que le sujet est pleinement conscient du présent ; on peut aussi traiter les cognitions négatives, les réponses émotionnelles et les sensations liées au souvenir figé. L’attention du sujet est divisée entre les réseaux de mémoire interne et la stimulation externe.
Ce processus permet alors un traitement accéléré de l’information bloquée, figée, et permet aux souvenirs traumatiques d’être métabolisés ou digérés par le système d’information. Ce processus rétablit une information adaptée qui permet à l’individu de former de nouvelles associations à l’intérieur et entre les réseaux mnésiques. Grâce à ta métabolisation de ce qui était bloqué, l’individu développe spontanément de nouvelles idées, change ses réponses émotionnelles et physiologiques ce qui le mène à changer de comportement et à des interactions adaptées avec l’environnement. Selon le modèle TAI, la thérapie EMDR peut faciliter les processus naturels de guérison auxquels peut parvenir le cerveau (Shapiro, 2005).
Il existe de nombreuses théories fascinantes et des hypothèses controversées sur les raisons pour lesquelles l’EMDR est efficace, mais ce n’est pas le lieu de les présenter en détail. Pour n’en citer que quelques-unes : on a émis l’hypothèse que la stimulation bilatérale alternée (SBA) pourrait provoquer une réponse orientée. De récentes études en neuroimagerie suggèrent que l’activité dans le thalamus peut être importante lors de ce processus et agit comme un relais neuronal (Lanius, 2008). L’EMDR a également été considérée comme une activité des hémisphères cérébraux gauche/droit, avec des mouvements oculaires induisant pendant la veille un état proche du sommeil paradoxal. (Stickgold, 2002). Une autre hypothèse a été émise : la stimulation bilatérale stimulerait le tronc cérébral (Solomon et Shapiro, 2008). Des modifications physiologiques du rythme cardiaque et de la cohérence cardiaque durant le traitement pourraient être des composantes significatives dans l’efficacité du traitement (Servan-Schreiber, 2003 ; Sack et al., 2008). Cependant, une des recherches les plus importantes dans ce domaine, selon nous, est le travail révolutionnaire de Pagani et al. (2002). Ils ont observé l’activation neuronale par EEG de la première et dernière séance EMDR de dix patients présentant des traumas psychologiques majeurs et ils ont comparé avec un groupe contrôle de dix patients. Leur étude est révolutionnaire par la méthodologie utilisée qui leur a permis pour la première fois d’imaginer les activations spécifiques associées avec Les actions thérapeutiques caractéristiques du protocole EMDR. Leurs résultats montrent un changement très significatif d’activation à la suite de la thérapie EMDR des régions timbiques avec une valence émotionnelle forte vers les régions corticales et une valence cognitive et associative plus élevée. Ceci suggère qu’à la suite d’une thérapie EMDR réussie, les événements traumatiques sont régulés à un niveau cognitif avec un soulagement significatif des expériences émotionnelles négatives.
Ce qui est incontestable, c’est le nombre d’études qui ont validé l’efficacité du traitement EMDR auprès des adultes. On la considère comme pins efficace ou plus rapide que les TCC. Auprès des enfants et des adolescents, La littérature reste limitée. Une méta-analyse a révélé l’efficacité du traitement de t’EMDR chez les enfants présentant les symptômes d’un TSPT. La taille d’effet en post-traitement EMDR est moyenne et significative. Quand les tailles d’effets sont fondées sur des comparaisons entre l’EMDR et d’autres modes de traitement non reconnus du traumatisme ou une absence de traitement, les résultats montrent une supériorité de l’EMDR (Rodenburg et al., 2009). Peu d’études ont validé son usage chez les enfants à ce jour. Une étude récente décrit une comparaison randomisée de la TCC et de l’EMDR auprès d’enfants exposés à une catastrophe. Ces deux traitements ont montré une réduction significative sur toutes les mesures, et les résultats se sont maintenus durant tes trois mois de suivi. La supériorité thérapeutique de l’EMDR s’est révélée en un nombre moindre de séance (de Roos et al., 2011). Un certain nombre d’autres articles et de livres sur t’EMDR avec des enfants ont été écrits notamment : Oras et al. (2004), Jaberghaderi et al. (2004), Ahmad et al. (2008), Zaghrout-Hodali et al. (2008), Adler-Tapia et Settle (2008, 2009), Bronner et al. (2009), Hensel (2009), Kemp et al. (2010), Ribchester et al. (2010) ainsi que Beer et al. (2010).
Même si nous ne connaissons pas toute l’histoire des premières étapes du développement de l’EMDR pour l’enfant et l’adolescent aux États-Unis, un élément clef a été une recherche menée en 1992 avec des enfants d’âge scolaire victimes de l’ouragan Iniki à Hawaï (Chemtob et al., 2002). Greenwald (1999), Joan Lovett, (1999) et Tinker et Wilson, (1999) font partis des pionniers dans ce domaine : ils ont eu un impact significatif sur le développement de l’EMDR pour enfants et adolescents en Europe grâce à leurs livres et à leurs enseignements sur ce sujet.
La thérapie EMDR s’est d’abord développée comme une thérapie pour adultes ; les divers besoins des enfants et des adolescents n’ont été reconnus que lentement et n’ont été que peu abordés dans les formations standards à l’EMDR. Pour cette raison, le développement de formations spécialisées en EMDR auprès d’enfants et d’adolescent est devenu pour nous une priorité en Europe. Les rares informations sur la façon de travailler avec les enfants et les adolescents ne prennent pas en compte le contexte familial car le travail avec les adultes est habituellement réalisé individuellement, sans qu’on prenne vraiment en compte les questions de développement. L’une des erreurs qui en découle est que l’enfant comprendrait les concepts de ta thérapie comme un adulte ; pourtant, au début du Xxe siècle, Piaget (1952) et d’autres ont élaboré les théories du développement cognitif montrant que La capacité de conceptualisation de l’enfant évolue au fur et à mesure de son développement. Alors que Les thèses de Piaget ont été interrogées et critiquées pendant plusieurs années, la Littérature actuelle en psychologie neuro-développementale continue de définir tes processus et les paliers de développement à différents stades (Gogtay et al., 2004). Le développement cognitif des enfants se déroule en même temps que leur maturation neurobiologique se complexifie et qu’ils acquièrent des connaissances. Leur capacité de conceptualisation dépend de leur stade de développement. Chaque enfant possède un système de développement bio-psycho-social complexe qui lui est propre et qui est façonné par ses caractéristiques génétiques, l’environnement dans lequel il vit, ses attachements familiaux et les événements qu’il traverse.