Le sandtray offre un langage commun à tous ceux qui s'y engagent.

De la place pour tout le monde : EMDR et thérapie par le jeu basée sur la famille dans le bac à sable

Mis à jour le 19 novembre 2024

De la place pour tout le monde : EMDR et thérapie par le jeu basée sur la famille dans le bac à sable, un chapitre de Lyles, Marshall, publié dans le livre EMDR With Children in the Play Therapy Room

Article publié en anglais – disponible en ligne sur le site de l’éditeur – accès payant

Résumé 

Au cours des trois décennies qui ont suivi l’introduction du modèle par Francine Shapiro, le traitement adaptatif de l’information (TAI) et la désensibilisation et le retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) ont fourni aux cliniciens de la santé mentale une méthode permettant de conceptualiser les réponses des patients aux traumatismes comme étant adaptatives et protectrices, sans pour autant diminuer la douleur causée par le stockage des traumatismes.

Pour ceux qui travaillent avec des patients enfants, l’objectif de la guérison des blessures émotionnelles et relationnelles devient nettement plus réalisable lorsque les soignants en viennent également à considérer les réponses aux traumatismes des enfants comme adaptatives et protectrices, tout en développant une capacité accrue à être avec les blessures de leurs enfants.

Les thérapeutes EMDR qui proposent des thérapies ludiques familiales ont besoin de moyens pour établir et contrôler la sécurité au sein des systèmes familiaux afin que l’intégration de ces modalités puisse offrir toute sa puissance.

Ce chapitre vise à proposer le sandtray comme une modalité permettant cette intégration. Le sandtray offre un langage commun à tous ceux qui s’y engagent.

Introduction 

Au cours des trois décennies qui ont suivi l’introduction du modèle par Francine Shapiro, le traitement adaptatif de l’information (TAI) et la désensibilisation et le retraitement par les mouvements oculaires (EMDR) ont fourni aux cliniciens de la santé mentale une méthode permettant de conceptualiser les réponses des patients aux traumatismes comme étant adaptatives et protectrices, sans pour autant diminuer la douleur qui résulte de la rétention de traumatismes stockés. Pour ceux qui travaillent avec des clients enfants, l’objectif de guérison des blessures émotionnelles et relationnelles devient nettement plus réalisable lorsque les soignants en viennent également à considérer les réponses des enfants aux traumatismes comme adaptatives et protectrices, tout en développant une capacité accrue d’être avec les blessures de leurs enfants. Les thérapeutes EMDR qui proposent des thérapies ludiques familiales ont besoin de moyens pour établir et contrôler la sécurité au sein des systèmes familiaux afin que l’intégration de ces modalités puisse offrir toute sa puissance. Ce chapitre vise à proposer le sandtray comme une modalité permettant cette intégration. 

Le TAI dans un contexte de thérapie familiale / de jeu 

Le TAI met l’accent sur le fait que la mémoire est un élément central du traitement EMDR (Gomez, 2013) et que les souvenirs traumatiques peuvent se transformer en résilience lorsqu’on suit le plan de traitement par étapes de l’EMDR (Shapiro, 2007). Lorsqu’ils travaillent avec des enfants dans un contexte de thérapie familiale, les cliniciens ont la possibilité de soutenir la création de nouveaux souvenirs, de renforcer les souvenirs antérieurs générateurs de sécurité et de soutenir la guérison des souvenirs douloureux. Ceci se produit dans le contexte où plusieurs membres d’un système familial peuvent avoir des perceptions différentes du souvenir, des symptômes différents liés aux réseaux de souvenirs traumatiques, et des capacités différentes pour la guérison des effets du traumatisme.

Les phases d’un plan de traitement fondé sur le TAI soulignent la nécessité de commencer le traitement par l’établissement d’une relation, l’étude approfondie de l’histoire et l’installation de ressources (Shapiro, 2007). Ce n’est qu’après avoir établi ces éléments que le clinicien EMDR aide le patient à s’attaquer aux réseaux de souvenirs traumatiques non traités (Shapiro, Kaslow et Maxfield, 2007). Grâce à cette séquence, les patients sont plus à même de rester ancrés dans le présent lors de la guérison de leurs souvenirs passés et d’anticiper leurs succès futurs face à des éléments potentiellement activateurs. Cette approche standardisée est enseignée aux thérapeutes EMDR par des formateurs agréés qui dispensent des cours, des exercices et des consultations aux stagiaires (Adler-Tapia et Settle, 2008).

Certaines recherches soutiennent l’utilisation de l’EMDR pour traiter les symptômes de stress traumatique des enfants (Beer, 2018 ; Swinden, 2018). Les cliniciens EMDR qui travaillent avec des enfants suivent souvent des formations avancées après avoir rempli toutes les exigences de la formation de base (Adler-Tapia & Settle, 2008). Alors que certains formateurs de base EMDR incluent des stratégies adaptées au développement pour amener l’EMDR aux mineurs, il reste encore beaucoup de concepts et de compétences de plus haut niveau à apprendre et à pratiquer pour que cette modalité traditionnellement verbale puisse être utilisée par des moyens ludiques et expressifs. Par conséquent, les thérapeutes EMDR pour enfants ont souvent accumulé de nombreuses heures de formation et de consultation afin d’exercer leur métier de manière éthique. Pour ceux qui traitent les enfants dans un contexte familial, cela rend encore plus nécessaire le développement de leurs compétences.

L’implication des soignants dans le travail thérapeutique permet d’intégrer le soi émergent, mais encore fragile, de l’enfant dans le contexte familial (Bardin, Comet, & Porten, 2007 ; Wesselmann, Schweitzer, & Armstrong, 2014). Bien que l’écrasante majorité des soignants souhaitent que leurs enfants guérissent, tous ne peuvent pas tolérer les changements que la guérison peut apporter à un système. Une plus grande implication dans le processus thérapeutique peut fournir un échafaudage pour mettre à jour les modèles concernant les besoins, les rôles et les attentes. Sans cela, les soignants peuvent saboter le processus de traitement, souvent sans intention consciente de le faire, car ils ne comprennent peut-être pas encore ce que le processus de guérison implique (Wesselmann, 2007). En outre, des examens méta-analytiques dans le domaine de la psychothérapie de l’enfant ont montré que les interventions de thérapie par le jeu ont une taille d’effet de traitement globalement importante, et que l’implication des parents peut augmenter l’efficacité de la thérapie par le jeu (Lin & Bratton, 2015). En bref, traiter le traumatisme d’un enfant de manière systémique permet une guérison et une restauration plus complètes chez tous les membres du système.

Historiquement, la thérapie familiale et la thérapie par le jeu avaient un point de départ commun, mais elles ont rapidement développé des domaines d’intérêt différents (Gil, 2015). La thérapie familiale examine le ou les systèmes de l’unité familiale, tout en ignorant largement les besoins spécifiques des enfants. La thérapie par le jeu a tendance à négliger les dynamiques systémiques, les besoins des enfants étant devenus le point d’intervention. Cela se produit malgré les preuves que les familles qui cherchent un traitement de santé mentale souhaitent un service plus complet (Cornett, 2012). Il existe des exceptions notables à ces deux dynamiques, la thérapie filiale en étant un exemple (Guerney, 1964).

L’un des défenseurs les plus inébranlables et éloquents du traitement des traumatismes des enfants dans un contexte de jeu familial est Eliana Gil. Gil (2015) propose que la combinaison de la thérapie par le jeu et de la thérapie familiale amplifie le potentiel d’atteinte des objectifs de chacune Parce que les membres d’un système familial s’influencent constamment les uns les autres, s’engager dans une thérapie par le jeu familial permet à cette dynamique de mettre en commun les ressources et l’énergie de guérison et de ne pas simplement renforcer les schémas douloureux parfois exagérés par le traumatisme. Les familles trouvent le chemin de l’innovation et de la nouveauté lorsque le pouvoir du jeu s’élève pour faire face à la force du traumatisme.

Comme indiqué précédemment, la recherche sur la thérapie par le jeu suggère que l’implication des soignants dans le traitement de la santé mentale des enfants améliore les résultats. De plus, les soins tenant compte des traumatismes, en général, insistent souvent sur l’impact à la fois sur les enfants et sur les systèmes auxquels ils appartiennent tout en abordant les vulnérabilités et les traumatismes (Cutuli, Alderfer, Marsac, 2019). Le jeu dans la thérapie familiale doit donner la priorité à la création d’expériences suffisamment ludiques pour que les enfants se sentent en sécurité alors qu’ils communiquent, de manière non verbale et parfois verbale, sur les aspects stockés d’expériences douloureuses antérieures.  » Le jeu est un élément central de l’attachement parce qu’il offre de nombreuses opportunités pour la syntonisation nécessaire au développement de la régulation émotionnelle et à l’anticipation de relations positives  » (Kestly, 2014, p. 96). Lorsque les enfants se sentent en sécurité, régulés et connectés, ils peuvent anticiper la joie, ce qui interrompt la tendance induite par le traumatisme à attendre avec vigilance le prochain moment de douleur et de lutte. Par exemple, lorsqu’un enfant a vécu une perte traumatique, il vit avec la douleur de la perte à chaque instant, mais peut avoir du mal à donner un sens à l’expérience lorsqu’il remarque continuellement le poids du deuil et le dérèglement de la douleur de la personne qui s’occupe de lui. Le fait d’apporter des expériences ludiques à cette dyade permet de rétablir la corégulation et la sécurité sans diminuer la possibilité d’introduire dans le jeu des thèmes liés à la résolution des traumatismes. Les enfants prennent exemple sur les personnes qui s’occupent d’eux pour donner un sens aux expériences traumatiques. Les thérapeutes EMDR sont mieux préparés à s’occuper de la guérison des enfants lorsqu’ils examinent attentivement les moyens d’impliquer les soignants dans le traitement (Berlin et al., 2007).

Le jeu dans la thérapie familiale doit également permettre aux parents de comprendre ce qui se passe dans le jeu (Edwards, Sullivan, Meany-Walee, Or Kantor, 2010 ; Higgins-Klein, 2013). Lorsque les enfants tentent d’intégrer des souvenirs douloureux dans le reste de leur système, ils ont besoin d’être en présence d’un autre aimant et à l’écoute (Fosha, cité dans Van der Kolk, 2015), ce qui nécessite que les soignants soient capables de retenir la douleur, ils commencent alors à comprendre et à tolérer l’ambiguïté qui accompagne le fait de ne pas encore comprendre. Kestly (2014) fait référence à Panksepp et Given en soulignant que les parents et les enfants « partagent un système commun » au niveau du jeu neurobiologique. En conséquence, les soignants et les thérapeutes doivent être en mesure de comprendre les processus des enfants qu’ils rencontrent tout en restant engagés de manière ludique (et sans se diriger vers l’interprétation ou l’agenda ; Badenoch, 2008). De même, les soignants doivent être capables de reconnaître les ruptures relationnelles qui se produiront inévitablement au cours du processus de traitement, afin de pouvoir donner la priorité à la réparation. Le thérapeute EMDR peut profiter des consultations avec les parents pour aider les soignants à garder les pieds sur terre et à mieux tolérer les nombreux moments ambigus de la guérison par le jeu.

En jouant ensemble, non seulement l’enfant peut développer un sens, une compréhension et une perspicacité plus profonds, mais le parent peut se mettre à la place de son enfant et voir le monde de son point de vue. Cela permet au parent et à l’enfant de développer des compétences plus solides en matière de syntonie, de compassion et d’attachement. (Mellenthin, 2019, p. 169)

Le thérapeute EMDR familial accepte la responsabilité qui découle d’un système, et pas seulement d’un individu qui est le patient. Si cette approche peut multiplier les complexités, elle peut aussi amplifier le potentiel de guérison et établir une résilience partagée pour gérer les stress futurs. Les sections suivantes de ce chapitre abordent systématiquement l’implication des soignants dans la guérison des traumatismes des enfants tout au long de chacune des phases de l’EMDR, en utilisant la thérapie par le jeu comme outil de communication intergénérationnel.

Sandtray comme modalité 

Sandtray est une modalité expressive permettant d’introduire l’EMDR dans la thérapie familiale. Sandtray est un outil ludique qui transcende l’âge et qui peut donc être utilisé lors des séances pour enfants, des consultations pour parents et de la thérapie par le jeu en famille. Le fait de se concentrer sur cet outil unique peut aider tous les membres du système à intérioriser un sentiment de confort et de maîtrise, tout en leur offrant un « langage » commun pour communiquer. Lorsque les soignants peuvent être pleinement présents au besoin de développement de leurs enfants de communiquer par le jeu, tous les membres du système peuvent s’engager pleinement dans le dessin sur sable tout en travaillant sur le traumatisme. Le bac à sable peut offrir une méthode habilitante pour soutenir l’intégration par les patients de leur matériel émergent à travers les étapes de la thérapie EMDR (Gomez, 2013). Cela dit, l’utilisation du bac à sable avec des enfants dont l’âge de développement est de 6 ans ou moins (jusqu’à 3 ans) peut s’apparenter davantage à une séance de jeu traditionnelle, car les jeunes enfants ont tendance à jouer de manière dynamique plutôt que de créer une scène statique pour le traitement (Homeyer & Sweeney, 2017). Certains théoriciens pensent que les créations de scènes dans le sable offrent au thérapeute plus d’informations sur le monde interne d’un patient que d’autres modalités basées sur le jeu (Norton & Norton, 1997). Aux fins exposées dans ce chapitre, les techniques de jeu familial intégrant le sandtray et l’EMDR se concentrent sur les enfants et les adolescents un peu plus âgés, qui sont souvent plus aptes au traitement traditionnel de la thérapie par le sable.

 » La thérapie par le dessin sur sable est un mode expressif et projectif de psychothérapie d’implication du déroulement et du traitement des problèmes intra et inter-personnels par l’utilisation de matériaux spécifiques de dessin sur sable comme moyen de communication non verbal  » (Homeyer & Sweeney, 2017, p. 5). Margaret Lowenfeld a introduit la thérapie par le dessin sur sable dans le paysage de la santé mentale en créant la World Technique (Lowenfeld, 1999). Cette technique fait usage de plateaux de sable et de petites figurines, souvent appelées miniatures. Les patients sont invités à créer des mondes dans le sable, puis des thérapeutes formés aident les patients à traiter les mondes de sable terminés.

Lowenfeld (1999) tentait de  » trouver un moyen qui serait en soi immédiatement attrayant pour les enfants et qui leur donnerait, ainsi qu’à l’observateur, un langage, pour ainsi dire, par lequel la communication pourrait être établie  » (p. 281) afin que les enfants  » trouvent leur chemin vers la communication de leur expérience provisoire  » (p. 281). Ayant été témoin d’enfants en proie à des traumatismes, Mme Lowenfeld a cherché à trouver un outil qui permette aux enfants de communiquer dans leur langue maternelle, le jeu, tout en se sentant contenus et compris. Elle souhaitait que cet outil soit indépendant de toute théorie clinique spécifique, afin que tout clinicien formé puisse participer à la création de sens avec le patient.

La thérapie par le dessin sur sable n’a pas été universellement normalisée, mais les thérapeutes praticiens ont tout intérêt à avoir accès à une formation de qualité et à organiser délibérément leurs réflexions sur les meilleures pratiques et les processus conformes à la théorie choisie par le clinicien. Homeyer et Sweeney ont proposé un ensemble de principes d’organisation des séances de sandtray. Selon Homeyer et Sweeney (2017), le processus de la session de sandtray comprend six étapes distinctes, chacune étant exécutée pour être congruente avec la théorie clinique du thérapeute :
1. Préparation de l’environnement du bac à sable
2. Présentation du processus au patient.
3. Création du bac à sable
4. Phase de post-création
5. Nettoyage du bac à sable
6. Documentation de la session

Les sections suivantes traitent brièvement de certains concepts pertinents pour chaque étape. Cependant, si un clinicien souhaite maîtriser les compétences liées à l’utilisation de la thérapie par le dessin sur sable, une formation complémentaire sur les matériaux, le traitement et l’intégration de la théorie du dessin sur sable serait bénéfique. En outre, en raison du potentiel expressif et projectif de cette modalité, en particulier lorsqu’elle est associée à l’EMDR, il serait prudent de demander une consultation en plus de la formation. (…)

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En savoir plus

Références de l’article Room for Everyone: EMDR and Family-Based Play Therapy in the Sand Tray :

  • auteurs : Lyles, Marshall
  • titre en anglais : Room for Everyone: EMDR and Family-Based Play Therapy in the Sand Tray
  • publié dans le livre  EMDR With Children in the Play Therapy Room
  • doi :10.1891/9780826175939.0003

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