Résumé
Le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) belge a élaboré un avis sur les problèmes psychiques qui peuvent résulter de la pandémie Covid-19, la manière dont ils sont susceptibles d’évoluer et ce que l’on sait sur les moyens à mettre en œuvre pour y faire face à moyen et long terme.
Cet avis vise à établir un état des lieux de la littérature à ce sujet et celui des situations d’urgence collectives, dans le but d’informer les autorités sur les mesures à prendre pour optimiser la prise en charge psychosociale.
Les recommandations concernent tant la population générale que les prestataires de soins et autres services de support.
L’ensemble de la population a en effet été touchée par les mesures de confinement prises, même si l’impact (et donc le risque de stress aigu et de conséquences à long terme) a été plus important pour certaines personnes.
Ces recommandations devront néanmoins être traduites différemment pour chaque groupe cible.
Le CSS recommande que, tout au long de la pandémie, les aspects psychosociaux soient pris en compte, non seulement pour diminuer les problèmes de santé mentale au sein de la population, mais aussi pour favoriser un meilleur suivi des directives relatives à la pandémie.
Pour cela, il faut d’une part faire le nécessaire pour prévenir, détecter et traiter les problèmes de santé mentale ; et d’autre part réduire la détresse dans la population.
Il faut viser à renforcer la résilience individuelle et collective.
Il faut pour cela une communication claire, cohérente et transparente, et utiliser une diversité suffisante de médias.
Il est important de faire appel à l’esprit communautaire, plutôt qu’à la coercition et la répression, qui ont des effets pervers sur la santé mentale et le respect des directives.
Au début de la pandémie, l’accent doit être mis sur le déploiement efficace des ressources (évaluation et tri des besoins en fonction des ressources). Il faut mettre en place des soins faciles d’accès, que les personnes peuvent solliciter si nécessaire (avec une attention particulière pour les problèmes liés au deuil et pour certains groupes plus vulnérables, ainsi que pour les prestataires de soins). Le soutien psychosocial doit surtout viser à promouvoir le rétablissement naturel et l’autonomie, et détecter et orienter ceux qui ont besoin d’une prise en charge.
Ces interventions psychologiques ciblées, adaptées et échelonnées doivent ensuite rester disponibles. Le risque sera d’autant plus grand que la pandémie va durer, et il est important de surveiller et de prendre en charge certains signaux (violence domestique, stigmatisation, solitude, etc.).
Après la pandémie, l’évaluation passe au premier plan et il faut se préparer à une éventuelle nouvelle pandémie ; en se concentrant sur la résilience individuelle et collective et en investissant dans la formation des professionnels.
Les réactions aux situations de crise varient fortement d’une personne à l’autre. Beaucoup vont être confrontées à des réactions de stress, qui pour la plupart seront temporaires. Il est nécessaire de traiter ces réactions de stress (y compris avec des interventions en ligne) pour réduire les risques de problèmes plus tard, mais aussi pour renforcer le respect des mesures prises pour lutter contre le virus.
La prise en charge du trauma doit quant à elle se faire par des professionnels spécifiquement formés.
La prise en charge de ces problèmes doit tenir compte des facteurs de risque qui déterminent leur apparition et leur évolution :
- Les facteurs de prédisposition : âge, sexe féminin, statut socioéconomique faible, soutien social faible, sentiment de contrôle faible, problèmes psychiques antérieurs…
- Les facteurs déclenchants : peur de la pandémie, quarantaine, longues incertitudes, risques pour sa vie, etc.
- Les facteurs d’entretien : durée du confinement, facteurs personnels tels que la capacité à faire face soi-même, soutien social, réaction et reconnaissance de la communauté, confiance dans l’information fournie, soutien financier et réhabilitation, attention dans les médias, etc.
La solitude est aussi un facteur de risque pour les problèmes de santé mentale. Les personnes qui vivent actuellement séparées de leur famille courent donc un plus grand risque.
Les mesures de réduction de contacts sociaux vont avoir un impact sur le bien-être de toute la population.
Il n’y a pas de facteurs dominants, mais il s’agit souvent d’une combinaison de facteurs, ce qui rend certains groupes particulièrement fragiles : les personnes ayant une grande peur de COVID-19, celles qui ont été admises aux soins intensifs, qui se sentent menacées, qui n’ont pas de sécurité d’emploi ou de revenu, qui présentent une vulnérabilité préexistante accrue à l’impact de COVID-19, les parents de jeunes enfants, les femmes, les jeunes, les personnes seules, les personnes qui n’ont pas ou très peu de contacts sociaux, les personnes peu qualifiées (y compris les étudiants universitaires, et les étudiants qui travaillent).
On constate ainsi une augmentation de la psychopathologie entre autres chez les femmes avec de jeunes enfants, les migrants, les personnes avec des problématiques psychiatriques antérieures, et les adolescents.
Le secteur de soins mérite aussi une attention particulière, également après la crise. Il faut par ailleurs être conscient des effets à long terme sur la santé de tous. Des arrêts de travail sont à prévoir, non seulement suite aux infections par le virus, mais aussi à cause des conséquences telles que la charge de travail supplémentaire, les conséquences de l’isolement, du manque de sécurité d’emploi ou financière. Or, le retour au travail et l’emploi en général sont importants pour la prévention des problèmes de santé mentale et d’autres problèmes de santé, ainsi que pour la relance de la société dans son ensemble. Il est donc essentiel de soutenir les programmes visant le retour au travail et la formation.
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