Conscience, la module pour mieux soigner
Mis à jour le 27 septembre 2022
Un dossier Grand Angle : Conscience, la module pour mieux soigner, réalisé par Kheira Bettayeb, publié dans le magazine de l’INSERM, en septembre 2022
Article publié en français – accès libre en ligne
Hypnose contre la douleur, méditation pour réduire l’angoisse, EMDR pour réfréner des souvenirs traumatisants… De nombreuses approches promettent déjà de soigner en modulant la conscience. Longtemps, ces techniques sont restées boudées par la recherche scientifique, car jugées trop ésotériques. Ce n’est désormais plus le cas ! Mieux : d’autres approches innovantes, comme la stimulation cérébrale profonde ou les psychédéliques, sont à l’étude. Mais que sait-on au juste de la conscience ? Peut-on vraiment la manipuler à l’envi ? Quelles méthodes sont efficaces pour modifier les états mentaux de manière contrôlée, et pour quelles indications ? Le magazine de l’Inserm fait le point, à la lumière des récents résultats dans ce domaine.
Extraits
Toutes les techniques fondées sur les états de conscience modifiés, et disponibles à ce jour, ne sont pas aussi anciennes que l’hypnose et la méditation… Quelques-unes sont bien plus récentes et moins connues – et pour cause ! Leurs protocoles peuvent sembler extravagants, et ne suscitent pas facilement l’adhésion et la confiance. Parmi elles : l’EMDR (pour eye movement desensitization and reprocessing, soit « désensibilisation et retraitement par mouvements oculaires »). Une approche notamment utilisée dans le trouble de stress post-traumatique (TSPT), une maladie liée à un vécu traumatisant (accident grave, viol, attentat…) et caractérisée par des flash-back à l’origine d’une anxiété sévère, d’insomnie et de dépression.
L’EMDR vise à induire un état de conscience proche de l’hypnose, afin de transformer le souvenir traumatique pour le rendre moins douloureux. En pratique, elle combine un rappel mental, par le patient, du souvenir traumatisant et des « stimulations sensorielles bilatérales alternées » (SSBA). « Il s’agit soit de mouvements oculaires induits en demandant au patient de suivre du regard un objet déplacé devant lui de gauche à droite (stylo, doigt…), soit de sons ou des tapotements (tapping), déclenchés alternativement à droite et à gauche, au niveau des oreilles et des genoux, respectivement. Ces stimulations sont appliquées pendant 20 à 30 secondes », détaille Stéphanie Khalfa, psychologue et chercheuse à Aix-Marseille Université et praticienne EMDR.
C’est en 1987 que la psychologue américaine Francine Shapiro a l’idée de développer cette technique. Selon l’anecdote, en proie à une anxiété liée au diagnostic d’un cancer, elle a constaté la disparition de pensées intrusives après avoir suivi des yeux, de droite à gauche, des oiseaux qui volaient dans un parc. D’où son idée de tester les effets d’un tel balayage oculaire chez 22 personnes souffrant de souvenirs traumatiques. Et dès cette première étude, les effets de l’EMDR s’avèrent spectaculaires ! « Une seule session d’EMDR a réussi à désensibiliser les souvenirs traumatisants des patients », lit-on dans l’article qui relate ces travaux.
Depuis, ces premiers résultats ont été confirmés par de nombreux autres. Par exemple, « lors de notre étude Everest, qui a permis de tester cette approche chez 80 personnes souffrant d’un TSPT – et dont les résultats pourraient être publiés avant la fin de l’année 2022 –, au bout de 3 mois, nous avons observé une disparition des signes cliniques chez plus de 50 % des patients », illustre Isabelle Chaudieu, chargée de recherche à l’Inserm et neuropsychiatre au CHU de Montpellier. Pas étonnant, dans ces conditions, que l’EMDR soit recommandée pour le TSPT par l’Organisation mondiale de la santé, la Haute Autorité de santé française ou encore l’Inserm. Mais comment des stimulations sensorielles alternées aussi rudimentaires peuvent-elles soulager un trouble aussi grave ? « Selon nos travaux en neuroimagerie, ces stimuli activent et synchronisent de grands réseaux de neurones localisés dans des structures cérébrales impliquées dans le traitement émotionnel et la mémoire, comme le précuneus, l’insula et le thalamus. Cela favoriserait la transformation du réseau neuronal qui sous-tend le souvenir traumatique, via l’intégration de nouvelles informations. Par exemple, le fait d’être, désormais, en sécurité », éclaire Stéphanie Khalfa.
En 2019, la psychologue a proposé une nouvelle approche qui ne nécessite pas que le patient ravive son traumatisme en en faisant le récit pendant des heures au risque de déclencher des flash-back… une méthode pénible, pourtant très courante en thérapies du psychotraumatisme. Il s’agit de la thérapie Mosaic, fondée sur l’EMDR et les sensations physiques en général. Celle-ci fait déjà l’objet de plusieurs études.
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Références du dossier Grand Angle : Conscience, la module pour mieux soigner :
- auteurs : Kheira Bettayeb
- publié dans le magazine de l’INSERM, en septembre 2022