Phytothérapie : pourquoi ça marche
Mis à jour le 14 octobre 2022
David Servan-Schreiber – Psychologies Magazine – Mai 2001
Jacques est un grand biologiste français, chercheur à l’Institut Pasteur. Il me regarde avec incompréhension : « Comment peux-tu croire qu’une herbe puisse être aussi efficace qu’un médicament ? Toute cette “phytothérapie”, c’est de la foutaise ! »
Jacques admet que de nombreux médicaments modernes sont extraits de plantes : l’aspirine obtenue à partir de l’écorce de saule ; la digitaline pour le cœur, extraite de la digitale, etc. Mais ce qui lui paraît invraisemblable, c’est le principe même de la phytothérapie : qu’une plante à l’état naturel puisse être aussi efficace qu’un médicament, et cela sans présenter d’effets indésirables ou presque. « Si ces effets sont moindres, c’est parce que le principe actif est trop dilué, et l’efficacité s’en trouve aussi atténuée », insiste Jacques. Il n’en démordra pas. Pour lui, plus un médicament est « pur » – idéalement une molécule unique – plus il a de chances d’être efficace.
Aujourd’hui pourtant, c’est la vision des phytothérapeutes qui commence
à s’imposer. Les plantes sont de plus en plus utilisées pour remplacer des médicaments traditionnels. Naturellement, elles peuvent aussi interagir avec certains médicaments. C’est le cas du ginkgo biloba, qui augmente l’action anticoagulante du coumadin. Le millepertuis, lui, atténue l’efficacité des rétroviraux contre le sida ou celle de la pilule contraceptive. Certaines plantes provoquent aussi des effets indésirables graves. La réglisse, par exemple, peut entraîner une hypertension artérielle dangereuse. « Naturel » ne veut pas dire « 100 % sans danger ». Mais ces tragédies sont rares en comparaison de celles occasionnées par des médicaments conventionnels.
Comment ces plantes peuvent-elles soigner alors que chacune d’entre elles comprend plusieurs centaines ou milliers de molécules, et qu’on ne sait souvent pas déterminer laquelle exerce une action thérapeutique ? La réponse est plus simple qu’un biologiste pourrait l’envisager. Imaginez un plat de spaghettis à l’huile d’olive vierge avec une pointe d’ail et du sel marin. Quatre ingrédients et un plaisir assuré. Maintenant, imaginez-vous dégustant ces mêmes spaghettis sans assaisonnement, ou buvant l’huile d’olive à la bouteille, ou croquant une gousse d’ail, ou avalant le sel nature… Ce qui fait le délice de ce plat, c’est la synergie des ingrédients. Chacun pris individuellement est immangeable. Pourquoi en serait-il autrement en matière de molécules curatives ? N’en déplaise aux puristes, c’est à travers la relation équilibrée entre plusieurs ingrédients et interventions que s’exprime l’harmonie des soins.
PAR EXEMPLE :
• La baie de sabal est aussi performante pour l’hypertrophie de la prostate que les anti-androgènes chimiques.
• La racine de kava supplée aux benzodiazépines.
• Le millepertuis se montre aussi efficace que le Prozac pour les dépressions modérées (1).
Dans ces trois cas, les effets secondaires (baisse de libido, endormissement, accoutumance) sont moindres, voire inexistants.
1- A. Vickers, in « British Medical Journal ».
mai 2001