Mieux vaut courir…
Mis à jour le 14 octobre 2022
David Servan-Schreiber – Psychologies Magazine – Octobre 2002
Xaviéra, étudiante de 28 ans, préparait sa deuxième maîtrise. Elle vivait seule, sortait rarement, se plaignait de ne pas trouver un homme qui lui convienne. Son existence lui paraissait vide, elle avait perdu l’espoir que cela change. Son seul plaisir : trois paquets de cigarettes par jour… Déprimée depuis deux ans, aucun traitement ne lui semblait acceptable, ni psy ni médicaments. Par défi, elle accepta pourtant de participer à une étude sur le jogging proposée par son médecin : elle devrait courir vingt à trente minutes, seule ou en groupe, trois fois par semaine.
Lors de sa première rencontre avec l’instructeur de jogging, Xaviéra s’interrogea : comment pouvait-il raisonnablement penser que, elle, qui fumait trois paquets par jour, n’avait pratiqué aucun sport depuis l’âge de 14 ans et avait dix bons kilos de trop, puisse être un bon sujet d’étude ?! Elle écouta tout de même ses conseils : d’abord faire de tout petits pas – trottiner plus que courir – en se penchant à peine en avant et sans trop lever les genoux. Surtout ne pas pousser l’allure : « Il faut pouvoir parler ou chanter, mais pas siffler », précisa l’instructeur. Au moindre essoufflement, ralentir, quitte à reprendre la marche, mais un peu plus vite que d’ordinaire. Ne jamais éprouver ni douleur ni fatigue.
Le but, pour ces premières séances : parcourir un kilomètre et demi, sans temps imposé, en trottinant le plus possible. Réussir à remplir cet objectif dès le premier jour apporta à Xaviéra un peu de satisfaction. En vingt et un jours, à raison de trois séances de jogging par semaine, elle parvint à garder son rythme de trot sur deux kilomètres, puis trois, sans difficulté. Au bout de six semaines, elle fut forcée de constater qu’elle se sentait nettement mieux. Elle dormait bien, avait plus d’énergie et passait moins de temps à s’apitoyer sur son sort. Evidemment, elle fumait moins.
Des chercheurs de l’université de Duke(1), aux Etats-Unis, ont récemment comparé le traitement de la dépression par le jogging à l’effet obtenu par le Zoloft, un antidépresseur. Après quatre mois de traitement, les patients soignés par l’une et l’autre méthode se portaient exactement aussi bien. Le médicament n’offrait aucun avantage par rapport au jogging. Au bout d’un an, en revanche, on notait une différence importante : plus d’un tiers des patients sous Zoloft étaient retombés en dépression, tandis que 92 % des joggeurs se sentaient parfaitement bien ! Une autre étude(2) a montré qu’il n’était pas nécessaire d’être jeune et en bonne santé pour profiter de l’exercice physique. Pour des patients déprimés, âgés de 50 à 80 ans, faire simplement trente minutes de «marche rapide», sans courir donc, et ce trois fois par semaine, a, au bout de quatre mois, un effet exactement identique à celui d’un antidépresseur…
. M. Babyak, J. Blumenthal et al. in “Psychosomatic Medicine” 62(5): 633-638 (2000).
. J. Blumenthal, M. Babyak et al. in “Archives of Internal Medicine” 159: 2349-2356 (1999).
Octobre 2002