Hypnose, méditation et chirurgie
Mis à jour le 25 septembre 2011
David Servan-Schreiber – Psychologies Magazine – Novembre 2001
La chirurgie, fleuron de la médecine occidentale, est un univers technique où la stérilité doit être parfaite, où chaque geste est calculé, répertorié et «monitoré» par des machines aussi implacables qu’efficaces. Toutefois, les prouesses des cinquante dernières années – de la microchirurgie de la main à la transplantation cardiaque, en passant par le remplacement de la hanche – ont transformé le patient en un objet passif de la science et de l’art du chirurgien. Une fois son accord donné pour être opéré, quelle participation peut-il imaginer, puisqu’il subira l’intervention sous anesthésie générale ?
Alors que cette question semble absurde à la majorité des chirurgiens – et des patients –, une révolution s’amorce. Des études scientifiques commencent à démontrer ce que certains soupçonnaient depuis longtemps : l’attitude du patient et sa préparation mentale jouent un rôle important dans la réponse du corps à cette « agression bien intentionnée ». Sans que l’on comprenne pourquoi, il est maintenant démontré que des explications sur la nature de l’intervention et sur ce à quoi le patient doit s’attendre, un entraînement à la relaxation et des séances d’hypnose pour conditionner la réponse du corps pendant l’opération réduisent les pertes de sang et les complications (pendant et après l’intervention), la douleur postopératoire et même la durée de l’hospitalisation ! (1)
Il est aussi démontré que, après certaines interventions, notamment dentaires et gynécologiques, l’acupuncture permet de réduire – de plus de deux tiers – l’utilisation d’opiacés, en contrôlant directement la douleur (2). Certains patients semblent garder un souvenir de ce qui s’est passé pendant l’opération (3). Mais le plus surprenant reste l’impact des suggestions hypnotiques susurrées aux malades via un baladeur pendant l’anesthésie. Une étude a montré que, après plusieurs jours, les infirmières reconnaissaient, dans plus de 80 % des cas, les malades traités ainsi : ils se remettaient plus rapidement et avec moins de souffrance que les autres !
Un chirurgien raconte l’histoire d’une malade pour qui ses amies avaient fait une prière en tenant une pierre dans leur main : celle-ci devait accompagner la jeune femme pendant son opération. Lorsque le médecin s’aperçut que la pierre n’était pas là, il retarda l’opération pour la retrouver. Interrogé sur cette décision, il répondit simplement : « Quand j’opère, j’ai besoin de toute l’aide que je peux recevoir ! »
Même si les conclusions de ces études demeurent controversées (4), est-il raisonnable, aujourd’hui, de se priver de cette aide si anodine et potentiellement si bénéfique ?
1- Lire “Lancet” (1988), vol. 2 (8609), et “British Medical Journal” (1990), vol. 301.
2- “Anesthesia Analgesia” (1998), vol. 87.
3- “Circulation” (1998), vol. 98.
4- “British Journal of Anaesthesiology” (1993), vol. 71.
novembre 2001