Arrêter de fumer sans déprimer
Mis à jour le 14 octobre 2022
David Servan-Schreiber – Psychologies Magazine – Janvier 2003
Plus d’un fumeur sur trois souhaite arrêter. Beaucoup réussissent, mais ce n’est pas facile. Les additifs mélangés à la nicotine sont conçus pour rendre le consommateur extrêmement dépendant, plus encore qu’à la cocaïne. C’est ce qu’ont dû admettre les fabricants de tabac aux Etats-unis lors du procès retentissant qu’ils ont perdu il y a trois ans.
Mais ce n’est pas la seule raison qui explique la difficulté du sevrage. Les psychanalystes ont décrit depuis longtemps le sentiment de «satisfaction orale» que procure la cigarette. Aujourd’hui, on parle plutôt de «besoin d’autoapaisement». Effectivement, nous avons tous besoin de calmer nos tensions au fil de la journée. Bébé, nous avions droit au sein (si nous avions de la chance) ou à la tétine (si nous en avions moins). Enfant, c’était le chocolat et les bonbons ; adolescent, l’alcool et la cigarette, préconisés par toute une industrie.
Plus nous avons souffert dans notre vie, plus nous ressentons fréquemment ces tensions, cet inconfort qui nous fait rechercher un plaisir physique pour nous rassurer. Nous consoler. Alors, nous mangeons ce dont nous n’avons pas besoin, nous buvons pour que notre cerveau déraille et oublie ce que nous ressentons ; et nous fumons ! Près d’un tiers des fumeurs souffrent de symptômes de dépression (1). Plus ils sont instruits (bac + 2 ou plus), plus cette association est évidente. Comme si la cigarette était leur façon à eux de s’autoprescrire un médicament. Pourtant, même si l’inhalation procure quelques minutes de plaisir immédiat, c’est un très mauvais antidépresseur. Il semble même que la cigarette soit la cause de sérieux troubles anxieux : les fumeurs ont ainsi trois à quatre fois plus de risques de subir des attaques d’anxiété (2). Une anxiété qui diminue une semaine après l’arrêt du tabac.
La leçon est simple : ceux qui désirent arrêter de fumer doivent d’abord traiter leur «dépression» et apprendre à s’autoapaiser autrement qu’à l’aide d’une cigarette. Bien sûr, il faut choisir une méthode de sevrage efficace (les meilleures, selon les études, sont la thérapie cognitive-comportementale combinée avec le Zyban, le patch de nicotine, ou, pour certains, l’acupuncture). Mais aussi s’accorder des petites attentions tout au long de la journée dès que l’on ressent le besoin de fumer : respirer deux fois lentement et profondément, manger un fruit, boire un verre d’eau, sortir dehors, arroser une plante, écouter de la musique, téléphoner à un ami. On peut aussi s’offrir quelque chose dont on a envie pour se récompenser. Ou tout simplement se faire plaisir à l’idée que personne ne se dira : « Ah, celui-là, il fume ! C’est qu’il ne doit pas aller bien. »
Un site web suisse permet aux fumeurs en cours de sevrage de se faire accompagner pas à pas et donne des conseils utiles à chaque étape : (en français, anglais, allemand, italien et danois).
www.stop-tabac.ch/
. Am. Jal Pub.Hlth, 2000. 90:1122-1127.
. Arch. Gen. Psych, 1999. 56:1141-114.
Janvier 2003